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Finance transformatrice ? Un documentaire à voir et revoir ...

Finance transformatrice ? Un documentaire à voir et revoir ...

 

labyrinth-4913643_1280Nicolas DEBRAY de Pixabay

 

Des image d'archive de Nicole Reille (1930-2012), fondatrice de l'association Éthique et Investissement (1983), ouvrent le film diffusé dimanche 31 août sur France 2 (10h-11h) et en replay bien sûr ! Ce documentaire de Claire Jeanteur intitulé Les Jardiniers de l'Économie "défriche" une question ardue, avec un enjeu majeur: "La Révolution responsable aura-t-elle lieu?"

Résultat, un film à la fois instructif et ludique. Grand public, sans être trop simpliste.

 

Pourtant, le gant n'était pas évident à relever : intéresser le public dominical à la finance, qui plus est "responsable", agissante, en vue d'une économie plus humaine... Soit, un sujet technique, réputé difficile, accessible aux seuls experts de l'ISR (investissement socialement responsable). Le voilà traduit dans un documentaire œcuménique sensible, compréhensible par le plus grand nombre finalement. Défi relevé ! 

 

"C’est l’histoire d’un combat méconnu aux enjeux planétaires avec ses pionniers, ses conflits, ses coups d’arrêt et ses reprises. Ce mouvement qui incite les entreprises à grandir dans leur responsabilité, où la finance se fait levier de transformation, n’est pas une utopie. Rencontres avec des femmes et des hommes engagés" prévient la réalisatrice, Claire Jeanteur. Contactée au moment où nous cherchions à célébrer, de plusieurs manières, les 40 ans de notre association en 2023, la documentariste a manifesté son intérêt, fait preuve d'une curiosité tenace, à la fois ingénue et ingénieuse. Dès origines à aujourd'hui le propos porté à l'écran est plutôt limpide.

 

Pour une économie plus humaine, des jardiniers d'un certain type... 

 

Historiquement, en Occident, les investisseurs religieux ont joué un rôle déterminant dans cette finance singulière, avant qu'elle ne prenne un essor laïc, bien plus large -d'où l'implication du Jour du Seigneur et de Présence Protestante en l'occurrence débouchant sur cette production.


La fondatrice d'Éthique et Investissement, Économe d'une congrégation née à Nancy (Notre Dame-Chanoinesses de Saint-Augustin) a encouragé la première agence de notation extrafinancière française (Arèse, Geneviève Férone), participé au FIR (Forum français pour l'Investissement Responsable), ce que le documentaire met, notamment, en lumière. Il se poursuit avec quelques-uns des fruits de cette histoire, dont la Loi française sur le Devoir de Vigilance (Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle), Le Campus de la Transition (Cécile Renouard) et plus largement l'activisme actionnarial porté par une pluralité d'ONG favorables à la transition écologique et sociale; ce sont autant de facettes de "l'économie responsable" que ce film illustre avec justesse. Et elles sont nombreuses, subtiles, un peu comme si.... "plusieurs chemins mènent à Rome". C'est pourquoi des témoignages fort divers ponctuent cette exploration, parmi lesquels ceux de :

 

Jerôme Courcier – Président d’Ethique et Investissement


Geneviève Férone – Fondatrice d’Arèse


François Faure – Agent général d’assurance, Prédicateur protestant, Président-Fondateur du RéseauCEP


Nicole Notat – Ancienne Secrétaire générale de la CFDT (1992-2002)


Dominique Potier – Député de Meurthe-et-Moselle, Président de l'association Esprit Civique


Cécile Renouard – Présidente du Campus de la transition

 

notamment. Ce film croise les regards de catholiques et de protestants engagés, de laïcs, dans un mouvement misant sur des comportements d'actionnaires/épargnants propres à "faire grandir" la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Un élan qui, naturellement, connaît des cycles plus ou moins "porteurs" comme l'actualité récente le rappelle, dont ce documentaire ne fait pas abstraction.

 

Au fil des saisons, tenir bon

 

Liés à cette vision de la finance et de la responsabilité effective de tout épargnant/investisseur, sans dogmatisme, les espoirs, les atermoiements également d'une transformation épique sont mis en évidence. Comme le résume la réalisatrice Claire Jeanteur : « J’aime l’idée que ce film soit comme un voyage au fil d’un mouvement qui, en visant à transformer l’économie, nous transforme également, nous rend plus conscients, plus responsable. Être responsable, c’est d’abord oser se poser les bonnes questions, savoir aussi renoncer au profit à court terme pour privilégier l’investissement à long terme».

 

Ce diagnostic et cette ambition sont au cœur de notre association depuis plus de 40 ans. Dont acte. Continuons de cultiver ensemble la réflexion, l'engagement, au besoin en nous formant. Une occasion de se ressourcer est fournie, grâce à ce film : bonne rentrée et continuation...

 

 

Michèle Royer

chargée de mission d'E&I

 

 
Mis à jour le 28/08/2025
Rôle sociétal de l'entreprise, légiférer encore ou bien, stop ?

Rôle sociétal de l'entreprise, légiférer encore ou bien, stop ?

 

boy-3081940_1280Free Photos at divvypixel.com de Pixabay

 

Deux fois par an, E&I organise une soirée débat ouverte à tous, sur inscription préalable. Celle du premier semestre 2025, détaillée ici, s’est tenue le 28 avril après notre AG, sur la réglementation de l'information "extrafinancière" (ESG) des entreprises, battue en brèche malgré des témoignages positifs de celles-ci … Qu’en retenir, du point de vue de l’investisseur responsable et de l’éclairage qui lui est dû ? 

 

L’environnement, le social et la gouvernance (ESG) sont des balises pour choisir nos placements

 

La finance responsable fait l’objet d’un important «retour de bâton » (backlash). A savoir, un flot de critiques ; il vient remettre en cause son rôle, son efficacité et au premier chef, son cadre règlementaire avec la proposition de la Commission Européenne baptisée « Omnibus ». Objectif : réviser les principales directives en la matière, pourtant en vigueur depuis peu dans l'UE.

Sont ciblées en particulier :

  • la directive CSRD, qui encadre le reporting « extrafinancier », autrement dit, le devoir de « redevabilité » des entreprises, à l'origine instillée, en France, par la loi NRE (Nouvelles Régulations Économiques) de 2001, afin de renseigner leurs parties prenantes (dont les investisseurs) sur leur modèle d’affaires, exprimer leur compréhension et par conséquent, leurs actions quant aux incidences écologiques, sociales, et globalement sociétales liées à leurs activités voire, leurs courbes de progrès en plus des ratios strictement financiers (ESG) ;
  • la directive CS3D, alias « Due Diligence » inspirée de la loi sur le Devoir de Vigilance votée en France dès 2017 après le drame du Rana Plazza pour inciter les entreprises « donneuses » d’ordre à s’assurer que leurs sous-traitants respectent les droits humains et l'environnement.

 

Stop ou encore ?


Cette conjoncture est préoccupante, car les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont cruciaux pour nos buts -"une économie plus humaine"- et l'avenir de notre planète ( "la Création"). Tant de voix s’élèvent à l'encontre de ces directives à peine entrée en vigueur, et ce, avec des arguments-massues, dans un brouhaha propice au « dialogue de sourds ». Alors, trop ou pas assez de régulation en l'occurrence ? Une certaine confusion règne. Ont accepté de venir nous proposer un éclairage dans ces circonstances, et d'en discuter avec nous, trois représentantes de points de vue complémentaires :

  • celui du droit, par Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de l'environnement qui a profondément œuvré au Code de l'Environnement, à une époque où même, par exemple, Marceau Long s'étonnait d'une telle initiative dans la mesure où, disait-il, "l'interdiction de polluer est déjà stipulée dans notre Code rural" aussi, pourquoi en rajouter ? ; 
  • celui de la philosophie appliquée à l'entreprise, services rendus à la clé, par Cécile Ezvan, professeure d'éthique et de RSE à Excellia BS, chercheuse associée au campus de la Transition de Cécile Renouard, à l'origine d'un critère reflétant la qualité relationnelle d'une organisation vis à vis de ses parties prenantes (sa capacité à "tisser du lien social"), notamment utilisé pour la gestion du fonds Equicongrethis ; 
  • celui des agents économiques ayant à appliquer les règles et les normes en question, par Murielle Cagnat Fisseux, DG de Stella Partners (cabinet axé sur la RSE), ancienne co-présidente d'un comité du Medef sur l'excellence opérationnelle ; témoin de leurs réticences affichées à toute entrave aux affaires autant que de leur quête de performance, elle est personnellement convaincue du caractère potentiellement profitable, stratégique donc, des politiques ESG (environnementale, sociale et de bonne gouvernance) tout en appelant à un effort de lucidité sur les dilemmes que la RSE pose aux entreprises.  

 

Au nom de la compétitivité*, l'urgence de simplifier**  implique une "pause législative" disent les détracteurs de la régulation telle qu'elle existe aujourd'hui.

Une pause ? Plutôt un détricotage, redouté au contraire par ses défenseurs. Pire, in fine cette (r)évolution consacrerait la loi du plus fort, que promeut sans fard l'idéologie "trumpiste" font valoir ces derniers. 

 

Sans régulation, la jungle assurée

 

Pour Corinne Lepage, "Ce que nous devons défendre aujourd’hui, ce n’est plus seulement de nouveaux engagements, mais la préservation des acquis face aux tentatives de démantèlement des réglementations existantes. L’abandon de la directive CS3D ("Devoir de Vigilance" ou de "Due Diligence") , la remise en cause des engagements climatiques, la montée du climatoscepticisme... Tout cela témoigne d’une cécité que je peine à comprendre. Les entreprises ont un rôle clé à jouer dans cette transition. Pas seulement pour répondre aux obligations juridiques, mais pour se protéger elles-mêmes et assurer leur viabilité dans un monde en mutation". Bien sûr, "le sujet de l’efficacité de la réglementation, sous réserve qu’elle se maintienne, pour atteindre sa finalité reste entier. Nous savons tous peu ou prou,  que les normes peuvent être contournées et instrumentalisées pour ne surtout pas progresser. Il en est aujourd’hui du greenwashing comme de certaines démarches qualité et de certification visant l’amélioration de la qualité de produits ou de services, de la satisfaction clients ou collaborateurs" qui ont eu du mal elles aussi à conquérir leur lettres de noblesse. "Certains continuent encore de faire semblant en la matière ; nous assistons en ce moment à la publication des premiers rapports CSRD, magnifiques dans leur construction, la multiplicité et la diversité des données communiquées… qu'en feront la gouvernance, les investisseurs, la société civile? Le sujet reste entier".

 

Faire semblant, se conformer au sens de "cocher les bonnes cases", pour s'attirer les meilleures notes ESG et donc les "bonnes grâces" des épargnants regardants, au-delà des seuls critères financiers, quant aux progrès en termes de RSE (responsabilité sociétale des entreprises) liés à leurs placements : le biais est connu ; c'est une réalité révélée par un certain nombre de scandales, depuis Enron (2001) jusqu'à Orpéa (2022). Nonobstant le coût réputé exorbitant, acquitté par les organisations pour payer les audits que requièrent la certification des comptes, les normes, les labels, entre autres vérifications requises, imposées ou que s'imposent les entreprises, les "tromperies sur la marchandise" s'avèrent possibles.

 

Pour autant, le "laissez faire", autrement dit, renoncer aux règles n'ayant pas empêché les déviances observées, est-ce la solution ? Aucune de nos intervenantes ne le croit. En revanche, accompagner, reconnaître et récompenser les meilleures pratiques des acteurs économiques, jalonnent une piste faisant davantage consensus.

 

L'entreprise a un rôle politique à jouer, mais pas seule...

 

Le rôle politique de l’entreprise, au sein des sociétés contemporaines et envers les générations futures, invite à repenser la responsabilité sociale de l’entreprise en fonction de la manière dont elle agit et coopère pour promouvoir des institutions et des systèmes favorables à un développement humain durable. Tel est le credo de Cécile Ezvan, invitée à la tribune de notre soirée-débat.  

 

Cécile Ezvan, Docteur en Philosophie (Université de Lyon) et diplomée de l’ESCP, travaille sur l’évaluation de la contribution sociale des entreprises et la transformation des modèles économiques au service de l’intérêt général (modèles circulaires, à impact, entreprises à mission). Avec, par exemple l’indice de capacité relationnelle (RCI), elle illustre par ses travaux un courant de la recherche, à visée pragmatique, d'une lignée d'économistes qui préconisent la construction et l’utilisation d’indicateurs basés sur l’utilité sociale de la croissance. Approches passionnantes, mais aussi utiles puisque certaines d’entre elles n’entendent rien moins que changer l’entreprise pour le bénéfice de la société tout entière. Il s'agit, avec l'indicateur RCI par exemple, "d'évaluer la valeur extra-financière de la contribution des entreprises à la qualité du lien social dans un territoire, aux relations entre l’entreprise et ses parties prenantes, et plus largement aux milieux vivants". Un rôle "politique", pas seulement économique donc, mais aussi sociétal, que la loi PACTE reconnaissant "l'entreprise à mission" par exemple, a institué il y a peu en France, via son Code Civil remanié. "Une nouvelle société à mission est créée toutes les 18h" claironne BpIFrance. La philosophie et l'entreprise ne sont pas antinomiques, et cette alliance n'est donc pas si rebutante, pas forcément ennemie de la "compétitivité" ni contre-performante.

 

D'ailleurs, "80 % des entreprises françaises, dont Accor, Nestlé et Decathlon, se disent satisfaites de leur conformité à la CSRD" selon une consultation "à chaud" présentée "à quelques jours du vote au Parlement européen relatif à la directive "stop the clock" visant à reporter de deux ans la CSRD, dans le cadre du "paquet omnibus" de la Commission européenne" relate la journaliste Sabrina Dourlens, dans une dépêche d'AEF Info, à l'issue d'une conférence organisée le 25 mars au Parlement européen à Bruxelles. Intitulée "simplifier la CSRD opérationnellement", elle réunissait acteurs économiques, investisseurs, experts technologiques, décideurs politiques et représentants de la société civile, "tous ont partagé des retours d’expérience concrets sur la mise en œuvre de la CSRD et l’exploitation des données ESG pour une transition efficace", rapporte-t-elle. Dont, notamment, cet avertissement disant : attention, sur le terrain, "volontaire équivaut à non prioritaire".

 

L'application des directives pose question, plus que la régulation elle-même !

 

Pour Murielle Cagnat-Fisseux ayant co-animé un groupe de travail du Medef sur l'excellence opérationnelle et fondé un cabinet expert dans l'accompagnement des entreprises, il faut bien voir les injonctions contradictoires qui sont leur lot. Quand bien même, nécessairement, leur performance se décline aujourd'hui au pluriel (performance non seulement financière mais aussi relationnelle, opérationnelle, sociétale, environnementale... bref, ESG), l'exercice demandé ne va pas de soi. "Il me semble que le monde de la RSE gagnerait à prendre le temps du débrief de fin de match ou de fin de saison. Une défense pas au niveau, un jeu qui manque de fluidité, un manque ou une confusion de leadership, voilà bien des raisons qui ont pu faire faillir de grandes équipes dans le monde du sport collectif. Nous devons nous aussi apprendre à nous organiser, nous entraîner, nous remettre en question, nous armer, aussi bien, et mieux encore, que ceux qui entendent nous empêcher de gagner la bataille de la viabilité de notre monde, et de la dignité partagée". Elle reste optimiste, tout en désignant une marche de progrès à franchir, encore haute. "Il est à craindre que la RSE comme précédemment les démarches de qualité, d’excellence opérationnelle, d’innovation et bien d‘autres, soient vécues comme l’affaire de quelques spécialistes en charge d’assurer un minimum de prérequis sur un mode plutôt régalien, et certainement pas comme une préoccupation qui se traduit dans des actes concrets au quotidien, faisant de l’avènement de l’entreprise contributive l’ «affaire de tous »." 

 

Une affaire de quelques "experts" vs implication de l'ensemble des métiers, du management ; et du marché

 

Autre axe de progrès, elle observe que "le lien direct avec les objectifs business n’est pas opéré. Pire encore, le temps consacré aux réflexions ou aux actions en la matière est perçu comme une menace à la productivité. En d’autres termes sauver la planète et satisfaire ses parties prenantes c’est bien, mais les objectifs business d’abord. Il faut dire que c’est sur ces objectifs quantitatifs que les managers et leurs équipes sont attendus, évalués, valorisés". Dans ces conditions, c'est une véritable gageure que de "sensibiliser les managers et les orienter vers la création de valeur sociétale et environnementale autant qu’économique". N'y aurait-il pas là un point d'attention désigné aux épargnants que nous sommes, appelés à distinguer et donc encourager les agents économiques à cette aune ?

 

Leurs visions stratégiques exprimées noir sur blanc, les politiques conduites et les plans d'actions allant dans ce sens, résultats à l'appui : voilà des éléments de base, indispensables au dialogue actionnarial, assortis de preuves, sans parler de la communication due au consom'acteur ! Sans doute les exigences des investisseurs qui se veulent responsables devraient-elles être moins tues, pour être davantage moteur, davantage revendiquées notamment vis à vis de leurs banquiers et gestionnaires de fonds, prescripteurs, comme notre association essaie d'en montrer l'exemple, depuis sa création.

 

Au regard de son application donc, confiée peut-être trop souvent à une poignée de "spécialistes" plus soucieux de sécurisation juridique que d'une application de l'esprit (avant la lettre) des directives mises en cause, la règlementation souffre naturellement d'amélioration, d'ajustements à l'aune des effets observés plus que des procès d'intention. Leur "bureaucratisme", leur "contre-productivité"**, leur caractère a priori pénalisant face aux compétiteurs mondiaux* ... des chiffons rouges chimériques ? Pierre-Henri Leroy, Administrateur d'E&I invite à pousser la réflexion plus loin  : Vers un autre « ordre mondial » ? Lequel ? Que faire pour y participer intelligemment, afin que ce qui sortira du désordre/sabordage actuels soit transformé positivement, orienté en vue d’un résultat («un nouvel ordre mondial?») compatible avec nos valeurs d’investisseur engagé, responsable : quels textes (régulation) et pratiques (outils, métriques et praxis) renouvelés devrions-nous discerner et promouvoir ?

 

Courage, ne fuyons pas trop vite...

 

Dans une tribune publiée par l'Agefi datée du 27 mars dernier, Pervenche Bérès (présidente de l'AEFR association Europe-Finances-Régulations) et Nicolas Mottis, professeur à Polytechnique avertissent : "Détricoter les règles sur la finance verte est une fausse bonne idée".

 

"Il est naïf de croire en une autosuffisance présumée des marchés dans leur fonction d’allocation des ressources, indépendamment de toute éthique" écrivait en 1987 le Pape Jean-Paul II dans sa Lettre Encyclique « Sollecitudo rei socialis »...  "Les marchés ont besoin de directives solides et fortes, macro-prudentielles aussi bien que normatives, qui soient uniformes et partagées par le grand nombre" dont les "règles doivent aussi être continuellement mises à jour, vu la réalité même des marchés constamment en évolution" constate un autre texte du Vatican faisant autorité, Considérations pour un discernement éthique sur certains aspects du système économique et financier actuel. Ainsi, la réflexion proposée le 28/4/2025 par E&I tombe-t-elle à point nommé : l'idéologie dominante, derrière les appels au "laissez-faire" actuels sont une résurgence. Celle d' "un égoïsme aveugle (...) limité au court terme ; faisant fi du bien commun, il exclut de ses horizons la préoccupation non seulement de créer mais aussi de partager la richesse et d’éliminer les inégalités aujourd’hui si aiguës." Certes, "il revient d’abord aux opérateurs compétents et responsables d’élaborer de nouvelles formes d’économie et de finance dont les pratiques et les règles visent le progrès du bien commun ainsi que le respect de la dignité humaine" rappelle le texte du Vatican. Et aussi, qu'il appartient "à tout-un-chacun, de participer à cette fin aux réalités du monde." De même, plusieurs éthiciens le soulignent, par exemple D. Bonhoeffer : " Ce n’est que dans la participation à la réalité que nous avons part au bien".

 

Il est crucial d’être de "ceux qui contribuent à un ordonnancement interactif et évolutif des règles et à une harmonisation des valeurs autour de l’esprit qui les inspire" professait avec une belle hauteur de vue la juriste et philosophe Mireille Delmas Marty***. La tâche est colossale, c'est "l'affaire de tous". Mais, comme dit un proverbe fameux : "qui ne tente rien... n'a rien". Alors, restons unis pour continuer de réfléchir, de nous former, d'interpeller entreprises et pouvoirs publics : les principales missions d'E&I depuis sa fondation. Prochaine soirée-débat : le 25/11/2025/

 

 

Michèle Royer,

chargée de mission d'E&I

 

 

* source : Rapport Drahi

** source : Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe in Les Echos du 30 janvier 2025 p.06, article intitulé : "L'Europe doit être être un peu plus carnivore" (vis à vis des autres Nations, nos compétiteurs...)

*** source : Mireille Delmas Marty, Entre les règles et l'esprit des règles, 2021 https://shs.hal.science/halshs-03494395v1

 

 

 

 

 
Mis à jour le 29/07/2025
Plutôt que se contenter d’entériner le passé, oser la réflexion à long terme

Plutôt que se contenter d’entériner le passé, oser la réflexion à long terme

 

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Souvent, la comptabilité est comparée à un coup d'œil dans un rétroviseur.
« J’ai toujours eu le sentiment que la comptabilité n’était pas d’abord faite pour analyser le passé mais plutôt pour prévoir l’avenir* ». A la faveur d'échanges avec ses pairs, lors de rencontres dont Nicole Reille n’était pas avare, elle en arrive à concevoir « Pour répondre à leur demande (…) un programme informatique qui permettait de faire rapidement la projection démographique d’une Congrégation sur 25 ans et d’y adosser les paramètres permettant de mesurer l’état des recettes et des dépenses de fonctionnement sur la même période ». La PLT, « Prévision Long Terme » aujourd’hui encore dispensée par E&I est née !

 

Nouveauté : l’Association Éthique & Investissement (E&I) s’appuie depuis mai dernier sur Corref & Cie pour déployer auprès des congrégations accompagnées dans le cadre de ses missions spécifiques, notre outil de prévision de long terme (PLT). Cet outil destiné -dès l'origine- aux communautés/congrégations religieuses répond à la question : « avons-nous assez d'argent pour assurer durablement la vie des membres de la Congrégation et sa mission ? ». Il a été mis au point par Sr Nicole Reille, notre fondatrice, puis perfectionné pendant 15 ans par Pierre Arquié (ancien DAF de la congrégation ND des chanoinesses de St Augustin, membre du conseil d'administration d’E&I).

 

Sachant maintenant que Corref & Cie intervient auprès des congrégations en fin de vie et que, dans ce cadre, ses missions d'audits et d'accompagnement peuvent la conduire à avoir besoin de connaître et/ou utiliser cet instrument, E&I l’a mis à sa disposition, aux termes d'une Convention. Car il peut répondre au besoin précis de ces congrégations qu'elle accompagne, qui ne sont plus, par définition, aptes à se former auprès d’E&I directement ni à se doter par elles-mêmes de cet outil. Il a fait ses preuves depuis son invention par la fondatrice d’E&I en effet.

 

A noter, pour les congrégations encore autonomes qui choisiront de s’en doter Pierre Arquié continuera de dispenser la formation à la PLT et de les accompagner. Pour elles, les inscriptions à la PLT diffusée par E&I, via les services assurés fidèlement par Pierre Arquié depuis plusieurs décennies maintenant, seront ouvertes comme de coutume ! A suivre ici

 

* Nicole Reille, Croquer la vie à pleines dents, 2010

 

 

Michèle Royer

chargée de mission

 
Mis à jour le 21/07/2025
Un bouquet de questions écrites aux AG 2025 du CA40... un peu suranné :(

Un bouquet de questions écrites aux AG 2025 du CA40... un peu suranné :(

 

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"Nous voulons des faits concrets. Pas du baratin" de la part des entreprises sollicitant notre argent ; provoquant le dialogue avec les responsables économiques et politiques, "Nous ne nous érigeons pas en juges, mais nous cherchons à écouter leurs difficultés, leurs contraintes, et à les encourager dans les pas qu'ils peuvent faire pour que l'économie devienne plus humaine, plus attentive aux personnes". Tels sont les mots de Sr Nicole Reille dans le livre* qu'elle a écrit pour relater son parcours, l'origine et la raison d'être d'Éthique et Investissement, créée en même temps que le fonds NS50 (alias, Nouvelle Stratégie 50) parce que, stipule-t-elle, "Dans un contexte d'économie mondialisée où nous sommes tous interdépendants, l'évangile a aussi quelque chose à voir avec la Bourse". 

 

L'idée de ce fonds alors conçu comme fonds de pension pour abonder les ressources, à plus long terme, des souscripteurs dont, notamment, des congrégations qui y investissent une part de leurs réserves en vue de leurs "vieux jours" est combinée avec celle d'exercer un droit de regard légitime, quand on est propriétaire de parts, sur la manière dont l'entreprise se comporte. D'où un questionnement régulier, actualisé, avec leurs dirigeants ; ce qui fut fait dès les années 80, pour AirFrance, Carrefour, BSN ou pour Total à propos de la Birmanie, ou encore Lafarge ciments dirigée par B. Collomb dont la politique anti-pollution avant-gardiste l'avait "édifiée" (par ex. cf Le Parisien du 14/1/1992). Une manière d'investir alors pionnière en France, mise en place et exercée sous la houlette de nos fondatrices, à travers ce fonds commun de placement (FCP) d'un genre inédit, à l'époque.

 

Autres temps, autres formes d'un questionnement aujourd'hui reconnu et encadré

 

L'un des moyens du dialogue actionnarial, au moment des AG (Assemblées Générales) des sociétés cotées consiste à poser des "Questions Écrites". La saison est en cours : la campagne 2025 de la plateforme d'engagement du Forum pour l'investissement responsable bat son plein. Parmi les questions retenues et portées par ce collectif multi-parties prenantes, il y a cette question écrite, posée en bonne et du forme à BNPP (qui prolonge l'interpellation initiée par E&I fin 2024). Question retravaillée et ciselée, sous l'angle de l'éthique des affaires, à savoir :

 

"Le G de gouvernance est un pilier de l’ISR qui implique de veiller au strict respect par soi-même et ses parties prenantes tant des lois et règlements en vigueur que de l’éthique des affaires. Or, des dossiers délictuels sont en cours, instruits notamment par les parquets financiers de la France et du Portugal, sur le cas d’Altice que BNPP conseille et finance ainsi que ses dirigeants, depuis plus de vingt ans, tout en incitant ses clients et correspondants à y investir.

a) Le Code de conduite de la banque est-il adapté pour la protéger de ce type d’affaire ? Merci de justifier votre réponse.

b) Dans le cas où les faits évoqués révèleraient des failles dans le Code de conduite de la banque, cela a-t-il conduit, ou est-il susceptible de conduire, BNPP à le réviser afin d’éviter que ne se reproduisent des cas similaires ? Merci de préciser votre réponse.

c) Dans le cas où des améliorations sont envisagées, comment entendez-vous y associer les parties prenantes de la banque ?

d) BNPP envisage-t-elle, pour protéger ses parties prenantes (clients, déposants et actionnaires), de se porter, à l’instar du groupe Altice lui-même, partie civile dans les dossiers délictuels en cours ?"

 

Réponse de l'intéressée (enfin, si l'on peut dire...) au dialogue actionnarial en question tenté lors de cette AG : l'enregistrement vidéo de l'AG 2025 figure bien sur le site de l'entreprise, comme le préconise le régulateur. Elle est censée durer 3h. Les séquences montrant les résultats excellents, des exemples d'actions RSE exemplaires accompagnées par la Banque avec, le cas échéant, le nom de ses clients concernés sont accessibles, sans en perdre une miette ; mais au moment des Questions Écrites, l'enregistrement "zappe" cette séquence pour débouler sur la suivante (vote des résolutions et mots de la fin). Subtile coupe à peine perceptible, sauf que le "compteur" ripe de 1:35 env à 2:48, direct ! **

 

Or, selon l'AMF Posez des questions et exprimez-vous :

 

"Si vous manquez d'éléments (…) vous pouvez interroger la société. Vous avez le droit de poser toutes les questions nécessaires pour éclairer votre vote.
Vous devez envoyer vos questions au siège social de l’entreprise au plus tard 4 jours ouvrés avant l’assemblée générale, par lettre recommandée avec avis de réception ou par voie électronique. Joignez-y une attestation d’inscription dans les comptes-titres, délivrée par la société cotée ou votre intermédiaire financier selon votre statut, prouvant que vous êtes bien actionnaire de la société. Le conseil d’administration est tenu de vous répondre :
*         soit par écrit, sur le site internet de la société, avant la tenue de l'assemblée générale,
*         soit par oral, au cours de l'assemblée générale.
Vous pouvez également poser vos questions directement lors de l’assemblée générale." 

Source : https://www.amf-france.org/fr/espace-epargnants/savoir-bien-investir/etre-un-actionnaire-individuel/comprendre-et-voter-en-assemblee-generale

 

Vis à vis des Questions d'actionnaires, de toute évidence, voilà une ... réponse (?), plutôt cavalière. L'art de "botter en touche" plutôt que l'art du dialogue pourtant "consubstantiel" à la RSE, en principe à l'écoute de ses différentes "parties prenantes", est en l'occurrence patent. Ce recul, quant à la place des parties prenantes, source d'inspiration des politiques d'entreprise dans l'histoire de la RSE est de piètre augure.

 

* Nicole Reille, Croquer la Vie à pleine dents, nov. 2010 ISBN : 978-2-9542014-1-2

** intégralité de l'enregistrement rétablie début juin ... après la 1ère mise en ligne de cet article

 

Cet article a été mis ligne le 29 mai 2025 puis mis à jour le 10 juin suivant. 

 

Michèle Royer

chargée de mission

 

 

 
Mis à jour le 10/06/2025
Rendre des comptes : l'impossible exercice ?

Rendre des comptes : l'impossible exercice ?

 

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L'obligation de reporting sur les critères E,S,G, étendue peu à peu à l'ensemble des chaînes de valeur, cauchemar de certaines entreprises à ce que l'on entend : CSRD, C3D seraient d'exécrables exercices bureaucratiques sur lesquels l'UE ferait bien de revenir, de "revoir sa copie" ! C'est pourtant, très largement, sur les brisées de ces démarches de reporting qualifié jusqu'ici, le plus souvent, d' "extra-financier" que les décisions des investisseurs engagés font florès ; par exemple, les décisions de notre association lors des Comités éthiques statuant sur l'univers d'investissement du fonds NS50 (archivées ici).

 

Or, la nécessité de ce reporting, en tant que source d'informations utiles à l'actionnaire et à toute autre "partie prenante" responsable, est justifiée par le besoin d'être éclairé sur les politiques et stratégie, notamment à long terme, de ces "personnes morales" que sont les entreprises, -au moins pour celles faisant appel à des financeurs, au "marché"-.

 

Elle pourrait connaître un virage, comme récemment le "titrait" un colloque accueilli à l'Assemblée Nationale par le député Dominique Potier, père de la loi française sur le devoir de vigilance. A la clé de la régulation vouée actuellement aux gémonies, bien qu'applicable depuis peu dans l'ensemble de l'UE, ces sources d'information règlementaires sont notamment destinées à renseigner les investisseurs, mais aussi, à engager puis nourrir un dialogue entre l'entreprise et l'ensemble de ses "parties prenantes". Elle commence à peine à entrer en vigueur à cette échelle, qu'un brusque "retour de bâton" se profile à l'horizon à l'occasion de la proposition de directive dite Omnibus. Pourquoi ? D'autant que cette dernière fait irruption dans un climat international plus vaste de réactions (au moins verbales) à un certain nombre d'avancées dont l'univers de la finance responsable pouvait se targuer. Selon Morningstar en effet,« Les actifs combinés des fonds relevant de l’article 8 et de l’article 9 ont atteint 6 100 milliards d’euros, soit 60 % de l’ensemble du marché des fonds de l’UE » (Hortense Bioy, le 05/02/2025)

 

Pourquoi tant de hâte à faire marche arrière ?

 

« L’Europe continue de dominer le marché des fonds durables », selon un autre article de Morningstar daté du 02/02/2025 :  « les actifs des fonds durables mondiaux ont atteint un niveau record de 3 200 milliards de dollars à la fin de 2024, soit une augmentation de 8 % par rapport à l’année précédente et une taille plus que quadruplée par rapport à 2018. L’Europe reste le principal marché, abritant 84 % des actifs. Les États-Unis sont tombés à 11 % en 2024, contre 15 % en 2018. La part de marché des fonds durables du reste du monde a augmenté pour atteindre 2,3 % en 2024, contre un pourcentage négligeable de 0,7 % en 2018 ». Bref, malgré les critiques, utiles garde-fou contre les déviances (éco-blanchiment, mésusage des normes comme le Père Perrot l'explique dans l'un des entretiens vidéo sur notre chaîne Youtube), entre autres "mascarades" toujours à redouter, bien sûr, il y a là sans doute un acquis, voire un atout, à tout le moins une caractéristique à tourner à notre avantage plutôt que de le piétiner rageusement ?

 

Dans ce contexte, Éthique et Investissement a choisi le thème de sa soirée-débat programmée le 28 avril prochain : "face à la levée de boucliers de ses adversaires (backlash) faut-il continuer à réglementer l'ESG ?"

 

Autour de :

Corinne Lepage avocate, ancienne ministre de l'environnement et ancienne eurodéputée;
Cécile Ezvan, professeure d'éthique et de RSE à Excelia BS, chercheuse associée au campus de la Transition, administratrice d'EBEN et du RIODD
Murielle Cagnat Fisseux, DG de Stella Partners (un cabinet axé sur la RSE) et ancienne co-présidente d'un comité du Medef sur l'excellence opérationnelle

après une introduction du Président d'E&I, Jérôme Courcier, qui s'inspirera du tableau de Rembrandt intitulé “Saint Paul en Prison” …

 

Inscriptions préalables ici :  https://www.helloasso.com/associations/ethique-et-investissement/evenements/faut-il-reglementer-l-esg-ecologie-social-gouvernance

 

Michèle Royer

chargée de mission d'E&I

 
Mis à jour le 25/04/2025
Quelle éthique pour mes placements, quels placements pour mon éthique ?

Quelle éthique pour mes placements, quels placements pour mon éthique ?

 

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Une nouvelle initiative de l'association Éthique et Investissement tend à compléter le panorama des formations existantes, cette fois, à destination de tout public (épargnants individuels, actionnaires, investisseurs) soucieux de ne pas se gargariser de mots (éthique et morale, quelle différence ?) mais d'appréhender en l'occurrence, le sens de l'éthique en finance. 

 

Au programme, est également prévue une séance de "décodage" de quelques véhicules financiers encensés à cette aune. Par exemple, seront analysés une sélection de fonds que le magazine Challenges a récemment promus comme étant "les meilleurs fonds d'investissement pour un monde meilleur" (octobre 2024)... Bigre !



La matinée du 30 avril prochain sera donc consacrée aux fondamentaux de l’éthique (qu’est-ce que ce mot recouvre et implique ?) et l'après-midi dédié au décryptage de la documentation des fonds d’investissement (notamment, comment distinguer les « passages obligés » des éléments vraiment significatifs ?).

 

Contact pour en savoir plus/s'inscrire : info@ethinvest.asso.fr

 

 
Mis à jour le 07/03/2025

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