L'obligation de reporting sur les critères E,S,G, étendue peu à peu à l'ensemble des chaînes de valeur, cauchemar de certaines entreprises à ce que l'on entend : CSRD, C3D seraient d'exécrables exercices bureaucratiques sur lesquels l'UE ferait bien de revenir, de "revoir sa copie" ! C'est pourtant, très largement, sur les brisées de ces démarches de reporting qualifié jusqu'ici, le plus souvent, d' "extra-financier" que les décisions des investisseurs engagés font florès ; par exemple, les décisions de notre association lors des Comités éthiques statuant sur l'univers d'investissement du fonds NS50 (archivées ici).
Or, la nécessité de ce reporting, en tant que source d'informations utiles à l'actionnaire et à toute autre "partie prenante" responsable, est justifiée par le besoin d'être éclairé sur les politiques et stratégie, notamment à long terme, de ces "personnes morales" que sont les entreprises, -au moins pour celles faisant appel à des financeurs, au "marché"-.
Elle pourrait connaître un virage, comme récemment le "titrait" un colloque accueilli à l'Assemblée Nationale par le député Dominique Potier, père de la loi française sur le devoir de vigilance. A la clé de la régulation vouée actuellement aux gémonies, bien qu'applicable depuis peu dans l'ensemble de l'UE, ces sources d'information règlementaires sont notamment destinées à renseigner les investisseurs, mais aussi, à engager puis nourrir un dialogue entre l'entreprise et l'ensemble de ses "parties prenantes". Elle commence à peine à entrer en vigueur à cette échelle, qu'un brusque "retour de bâton" se profile à l'horizon à l'occasion de la proposition de directive dite Omnibus. Pourquoi ? D'autant que cette dernière fait irruption dans un climat international plus vaste de réactions (au moins verbales) à un certain nombre d'avancées dont l'univers de la finance responsable pouvait se targuer. Selon Morningstar en effet,« Les actifs combinés des fonds relevant de l’article 8 et de l’article 9 ont atteint 6 100 milliards d’euros, soit 60 % de l’ensemble du marché des fonds de l’UE » (Hortense Bioy, le 05/02/2025)
Pourquoi tant de hâte à faire marche arrière ?
« L’Europe continue de dominer le marché des fonds durables », selon un autre article de Morningstar daté du 02/02/2025 : « les actifs des fonds durables mondiaux ont atteint un niveau record de 3 200 milliards de dollars à la fin de 2024, soit une augmentation de 8 % par rapport à l’année précédente et une taille plus que quadruplée par rapport à 2018. L’Europe reste le principal marché, abritant 84 % des actifs. Les États-Unis sont tombés à 11 % en 2024, contre 15 % en 2018. La part de marché des fonds durables du reste du monde a augmenté pour atteindre 2,3 % en 2024, contre un pourcentage négligeable de 0,7 % en 2018 ». Bref, malgré les critiques, utiles garde-fou contre les déviances (éco-blanchiment, mésusage des normes comme le Père Perrot l'explique dans l'un des entretiens vidéo sur notre chaîne Youtube), entre autres "mascarades" toujours à redouter, bien sûr, il y a là sans doute un acquis, voire un atout, à tout le moins une caractéristique à tourner à notre avantage plutôt que de le piétiner rageusement ?
Dans ce contexte, Éthique et Investissement a choisi le thème de sa soirée-débat programmée le 28 avril prochain : "face à la levée de boucliers de ses adversaires (backlash) faut-il continuer à réglementer l'ESG ?"
Autour de :
Corinne Lepage avocate, ancienne ministre de l'environnement et ancienne eurodéputée;
Cécile Ezvan, professeure d'éthique et de RSE à Excelia BS, chercheuse associée au campus de la Transition, administratrice d'EBEN et du RIODD
Murielle Cagnat Fisseux, DG de Stella Partners (un cabinet axé sur la RSE) et ancienne co-présidente d'un comité du Medef sur l'excellence opérationnelle
après une introduction du Président d'E&I, Jérôme Courcier, qui s'inspirera du tableau de Rembrandt intitulé “Saint Paul en Prison” …
Inscriptions préalables ici : https://www.helloasso.com/associations/ethique-et-investissement/evenements/faut-il-reglementer-l-esg-ecologie-social-gouvernance
Michèle Royer
chargée de mission d'E&I
Une nouvelle initiative de l'association Éthique et Investissement tend à compléter le panorama des formations existantes, cette fois, à destination de tout public (épargnants individuels, actionnaires, investisseurs) soucieux de ne pas se gargariser de mots (éthique et morale, quelle différence ?) mais d'appréhender en l'occurrence, le sens de l'éthique en finance.
Au programme, est également prévue une séance de "décodage" de quelques véhicules financiers encensés à cette aune. Par exemple, seront analysés une sélection de fonds que le magazine Challenges a récemment promus comme étant "les meilleurs fonds d'investissement pour un monde meilleur" (octobre 2024)... Bigre !
La matinée du 30 avril prochain sera donc consacrée aux fondamentaux de l’éthique (qu’est-ce que ce mot recouvre et implique ?) et l'après-midi dédié au décryptage de la documentation des fonds d’investissement (notamment, comment distinguer les « passages obligés » des éléments vraiment significatifs ?).
Contact pour en savoir plus/s'inscrire : info@ethinvest.asso.fr
Première AG de Corref et Compagnie (C&C) le 5 février dernier. Avec, déjà, à son actif, de belles preuves de son utilité effective, qu'Anne de Richecour et Sr Catherine Sesboué avaient pris le temps d'évoquer en notre présence, il y a un an à peine. Cette "filiale" de la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France) est née en effet pour favoriser la mise en commun des réflexions, des ressources, des retours d'expérience et des énergies entre les instituts divers et variés, en difficulté ou en expansion, qu'elle connaît bien.
Etat des lieux, entraide, prévision, accompagnement...
"La retraite, ça se prépare ; le vieillissement d’un institut religieux aussi ! C’est avec cette conviction que la Corref a créé en juin 2024 l’association C&C (Corref et Compagnie). Son objectif est double : aider les instituts fragiles ou en fin de vie à prendre soin de leurs membres jusqu’au bout, et permettre à leurs responsables de prendre les meilleures décisions possibles quant à l’avenir de l’institut lui-même. C&C suscite la prise de conscience", sur la base "d'un état des lieux complet" explique cette association catholique, qui représente près de 479 instituts religieux. La Corref assure la représentation de la vie religieuse en France et soutient sa vitalité. Depuis novembre 2008, elle est la réunion de deux conférences distinctes, l’une pour les supérieurs majeurs des instituts masculins, l’autre pour les supérieures majeures des instituts féminins, apostoliques et monastiques."
D'où, des réalisations (abouties ou en cours de déploiement) que la toute première Assemblée générale (AG) de cette initiative novatrice a illustré, de manière sensible. Tact et bonne humeur étaient au rendez-vous !
Les actions relèvent des thématiques telles que :
Il s'agit, chaque fois, d'épauler, souligne Véronique Margron en présentant la finalité de C&C. Pour accompagner les religieux dans les instituts en fragilité, notamment, C&C compte aussi sur le fonds de partage "Porteurs d'espérance" qui fait de C&C l'un de ses bénéficiaires.
A date, retrouvez ici des témoignages, parfois poétiques, toujours véridiques. Et même, une offre d'emploi. Bravo !
Michèle Royer
chargée de mission E&I
Sr Nicole Reille, fondatrice d’Éthique et Investissement en 1983, alors Économe de la Congrégation Notre-Dame des Chanoinesses de St Augustin, a souhaité une présence significative de religieux/ses y compris dans le Conseil d’Administration jusqu’à préciser ce point, dès le départ, dans les statuts de l’association. Quelle est l’utilité d’une telle exigence ?
Les économes n’ont pas toujours de connaissances particulières dans le domaine financier mais rencontrent les professionnels de la finance dans le cadre de leur fonction. Certains d’entre eux imaginent ce dont ces client(e)s atypiques pourraient avoir besoin mais leur approche plus marketing que de « conseil désintéressé » pose question. D’autres se présentent comme « spécialistes de la doctrine sociale chrétienne » (DSE) et proposent des solutions toutes faites qui gênent sérieusement la réflexion nécessaire en vue d’une démarche éthique responsable.
Loin des solutions toutes faites, figées ...
Soutenus et encouragés par notre Association les religieux accèdent peu à peu à une plus grande autonomie grâce aux formations proposées, aux rencontres et réflexions entre membres, experts de la finance et professionnels, grâce aux Ateliers Éthiques et aux publications d’E&I… Toutes ces propositions n’apportent pas de solutions ni de réponses toutes faites, mais aident chacun(e) à se faire une opinion et pouvoir choisir ses produits financiers en connaissance de cause.
Un partage d'expériences au sein d'E&I entre laïcs et religieux, enrichissant
Vivant des engagements au cœur la société, en proximité avec les populations les plus pauvres et les plus fragiles, les économes ont aussi l’expérience de la mise en commun des biens, et cherchent de cette manière à résister à un capitalisme qui ne chercherait que le profit, cela les amène à interpeller les professionnels pour qu’ils se mettent à l’écoute de leurs préoccupations, de leurs besoins et de leur charisme.
Entre membres de l’association, un dialogue fécond s’instaure à partir des diverses expériences des uns et des autres, laïc ou religieux, chacun partage son approche, ses compétences, pour un enrichissement mutuel. Nous ne pourrions pas nous passer les uns des autres !
Christiane Vanvincq & Marie-Thérèse Thibaut, Administratrices d'E&I
Objectif de notre comité NS50 : statuer sur les valeurs admises ou non dans l’univers d’investissement du fonds Nouvelle Stratégie 50 (NS 50).
Depuis la création de ce produit financier, en même temps que la fondation de notre association, Éthique et Investissement, par quelques Économes de congrégations religieuses, pionnières en Europe, ce comité se réunit régulièrement afin de passer en revue les entreprises à admettre, à exclure ou à conserver au sein de l'univers d'investissement du fonds NS50. A ce titre, c’est un fonds ISR pionnier.
Nouveau protocole depuis octobre
Entre juillet et décembre 2024, ce comité auquel participent régulièrement au moins trois représentants d’Éthique et Investissement s’est réuni une première fois en octobre sur la nouvelle méthodologie d’analyse ISR de Mandarine Gestion. Puis deux autres fois pour examiner les entreprises pré-sélectionnées à l'aune de leurs performances extrafinancières, dans leur secteur. En l'occurrence, les émetteurs spécialisés dans les :
Nos décisions, arguments à l’appui, sont l’objet d’un compte rendu. Comme de coutume, ce compte rendu s'ouvre par une contextualisation du secteur considéré ; il se poursuit par le relevé des décisions prises par E&I pour les entreprises admises/exclues ou conservées dans l’univers des valeurs « investissables », propre au fonds NS50. Ces compte rendus sont adressés par courriel à nos adhérents qui en ont ainsi la primeur, dans l’une de nos publications intitulée : La Communication économique et financière d’Éthique et Investissement (« ComEcoFi » d’E&I).
Une rentrée haute en couleurs et riche de promesses...
Comme annoncé dans notre précédente Newsletter, les équipes de Meeschaert -racheté par LFPI, puis fusionné avec Mandarine gestion- ont emménagé dans de nouveaux locaux, et se sont organisées dans ce nouvel ensemble. D’où une coupure estivale plus longue qu'auparavant, le temps pour ces équipes de s’installer.
Les entreprises qui nous sont dorénavant présentées sont sélectionnées sur la base de :
Avec ce nouveau protocole, le nombre d'entreprises passées en revue est réduit par rapport à la méthode précédente. Cette évolution a une ambition : permettre des analyses plus approfondies, sans perdre de temps sur le cas d'entreprises qui n’ont aucune chance d’être réellement investies car présentant peu d'intérêt aux yeux du gérant. Par ailleurs, considérant les frais de gestion inchangés depuis longtemps, il pourrait y avoir aussi du nouveau à l’avenir : à suivre...
Pierre Chardigny, Administrateur d'E&I
et Michèle Royer, chargée de mission d'E&I
Notre interpellation, lancée lors de la Semaine de la Finance Responsable sur l'engagement actionnarial 2024 contient, implicitement, une préoccupation clé :
Pourquoi les investisseurs responsables sont-ils invités à questionner BNPP au sujet d’Altice ? Les banques universelles, comme BNPP qui est la première banque européenne avec un bénéfice annuel de 10 milliards d’euros, sont au centre du monde de la finance actuelle.
Un modèle sujet aux conflits d'intérêts
Sur la base des réseaux traditionnels de crédit et de dépôt, elles ont développé en sus de ces derniers, grâce à la déréglementation européenne des années 1980 et l’abrogation en 1999 de la loi américaine Glass-Steagall, un rôle dominant tant dans le négoce de valeurs mobilières que dans la gestion de titres, la banque d'affaires, les assurances et l’immobilier, et ce, grâce aussi à la « garantie implicite » des États.
Cette dernière leur a en effet permis de pénétrer avec moins de risque ces nombreux secteurs, sources de revenus alternatives aux crédits et dépôts classiques, et, dans un contexte d’économies d’échelle, d’accroître leurs opérations financières avec les grands groupes, les seuls à même d’utiliser fréquemment leurs services de conseil en fusions-acquisitions et de financement desdits rachats d'entreprise, aux dépens des services de crédit ou de dépôt des clients plus modestes.
... et qui pose la question éthique de savoir si la rémunération du risque revient bien à qui porte le risque
La gestion des multiples conflits d’intérêts générés par la multiplication des opérations de financement, d’investissement et de conseil avec les grands clients étant laissée aux banques et à leurs responsables de conformité, ce modèle met l’enrichissement rapide des grands acteurs choyés par les banques universelles à la charge de la grande masse des déposants, par ailleurs bridés dans leurs demande de prêts bancaires.
Le groupe Altice-Drahi, qui est devenu le client numéro un de BNPP, est un cas révélateur des défauts de ce régime. Il a en effet obtenu en 20 ans, pour ses acquisitions dans le secteur des télécommunications, un financement global atteignant 60 milliards d’euros. Dans le même temps, il a réduit l’emploi de milliers de personnes en France et au Portugal, et son PDG, Patrick Drahi, qui vit en Suisse et paie peu d’impôts, est devenu multimilliardaire.
Un cas emblématique, épineux à l'aune de la RSE des acteurs du secteur financier
Comme en 2023 plusieurs cadres d’Altice ont été arrêtés puis mis en examen au Portugal puis en France pour divers délits financiers, la faveur de BNP-PARIBAS pour ce groupe et son fondateur semble contraire aux règles d'éthique auxquelles la banque prétend se conformer. De plus, ce groupe manquant depuis quelques années du cash-flow nécessaire au service de son énorme dette, il est fort probable que les fonds d'investissement à qui les banques, comme BNPP, ont transféré le risque Altice ne soient que très partiellement remboursés, occasionnant ainsi une perte aux modestes retraités et contribuables au profit du PDG et actionnaire d’Altice, un résultat là aussi contraire aux objectifs du Code de conduite de la banque.
Un enrichissement personnel aux dépens des services de crédit et de dépôt des clients les plus modestes ?
Compte tenu de ces faits, et alors que les ministères portugais et français de la justice continuent d’enquêter sur d’éventuelles malversations de la direction d’Altice, il apparaît nécessaire que pour la protection de ses actionnaires, clients et correspondants, BNPP se porte partie civile aux procès en cours. C'est l'objet de la question écrite de l'association Éthique et Investissement, adressée à BNPP. Tous les éléments du dossier étayé sont à retrouver ici
A noter, par ailleurs, que notre publication périodique intitulée "La Communication Ethique et Financière d'E&I" consacre un numéro double à l'analyse du secteur "Banques et Services Financiers" (d'ores et déjà adressé à nos adhérents), qui sera prochainement archivé ici.
Jérôme Courcier, Président d'E&I
Pierre-Henri Leroy, Administrateur d'E&I
Seul(e) au monde ? Non, bien sûr ! Nos idéaux d'investissement aptes à transformer l'économie, pour une "vie bonne" ici-bas, en société -à rendre toujours "plus humaine"- animent aussi d'autres réseaux, dont certains sont nos partenaires, de longue date. Tournons nos regards vers quelque-uns d'entre eux, à l'occasion de la rentrée, avec son lot de nouvelles et d'évènements à l'horizon, pour les relayer et inspirer... une bouffée d'optimisme ?
Un état d'esprit bien nécessaire en l'occurrence comme l'exprime l'ICCR, dont notre fondatrice Nicole Reille s'était rapprochée (elle mentionne dans son autobiographie que c'était l'un des rares réseaux, à l'époque, à porter déjà des préoccupations proches de celles présidant à la création d'Éthique et Investissement) en titrant son Congrès de ce 19 septembre 2024 : "Navigating troubled waters : corporate political responsablity in turbulent times". Drôles de temps, en vérité ; de ce fait, les hérauts de la RSE/CSR (responsabilité sociale et environnementale) sont appelés à redoubler d'efforts, d'imagination et de clairvoyance pour "s'assurer que leurs actions politiques -au sens large du terme- contribuent à renforcer une démocratie solide et dynamique".
Amérique, Europe et France dans le viseur de notre partenaire Québécois
Naviguer, gouverner en eaux troubles, dans un climat de turbulences...Tel est à présent le contexte selon l'Interfatih Center on Corporate Responsability (ICCR) à l'orée de son Congrès 2024, organisé à Manhattan (NYC). Autre partenaire de longue date d'E&I, Outre-Atlantique également mais ancré plus au nord (Canada), le Regroupement pour la responsabilité sociale des Entreprises (RRSE) relaie cet évènement dans sa dernière "Lettre aux membres" (Newsletter de la rentrée), parmi d'autres "nouvelles aux membres" fort instructives, témoignant d'une large ouverture sur le monde.
Elle nous apprend ainsi que "Le rôle mondial du Canada en matière d'entreprises et de droits humains" sera le thème d'un Symposium "à ne pas manquer" le 29 octobre à Ottawa, organisé par le Réseau canadien sur la reddition de compte des entreprises (RCRCE). Ce réseau milite en faveur d'une loi en la matière, canadienne. Cet été, pour l'UE, a été publiée au Journal Officiel de l'UE, une directive en ce sens (le 5 juillet 2024 avec une "entrée en vigueur" le 25 de ce même mois estival) est-il rappelé dans la newsletter du RRSE.
De même, elle braque un projecteur sur l'imminence d'un lien entre la protection de l'environnement et la protection des droits humains fondamentaux, qui pourrait faire jurisprudence, de la part de la Cour européenne des Droits de l'Homme, aux dépens du gouvernement norvégien. En effet, dans cette même publication de rentrée du Regroupement pour la responsabilité sociale des entreprise (RRSE) est annoncée la conclusion prochaine "d'une action historique de jeunes ayant porté le forage pétrolier arctique devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme : les plaignants soutiennent que les actions du gouvernement en question violent les droits à la vie et à la vie privée protégées par la Convention européenne des droits de l'Homme". Un précédent très attendu, "pour renforcer la justice climatique au niveau mondial".
Lutte contre le greenwashing : des investisseurs ligués d'un continent à l'autre...
Aux yeux de nos homologues canadiens, les récents appels adressés à l'AMF française pour plus de vigilance et de vraies sanctions destinées à éradiquer l'écoblanchiment ne passent pas inaperçus. Tant la tribune de personnalités (d'ONG et du monde académique) que la polémique autour de la pseudo-sanction (un accord de type amende contre arrêt des poursuites) à l'encontre d'une société de gestion, "inédite" -pour manquements en matière de durabilité-, rendue publique par l'autorité de régulation française.
Le "laxisme" dénoncé en France, l'est aussi au Canada, notamment, à l'encontre de grandes banques accusées là-bas de "fournir des informations trompeuses sur leurs activités en matière de finance durable". (Pour en savoir plus : ici.)
Ah ! si tous les réseaux du monde... Réseaux d'acteurs responsables, s'entend :)
La rentrée, c'est aussi le temps des bonnes résolutions, et notamment, celle de se "retrousser les manches" ?
Chez nous, du 25 septembre au 5 octobre, la semaine de la finance responsable proposée par le FIR, qui s'adresse chaque année au "grand public" (épargnants/investisseurs), sera axée sur un thème cher à E&I, depuis ses origines : le dialogue actionnarial.
Michèle Royer,
chargée de mission
E&I
Hasard du calendrier ou Providence, le même jour que notre soirée-débat à propos des enjeux éthiques de l' "IA", ce 30 avril 2024, l'Appel de Rome (pour une éthique de l'"Intelligence Artificielle ") enregistrait un nouveau co-signataire en la personne de l’archevêque de Canterbury, chef de la Communion Anglicane, Justin Welby, lors d’une cérémonie au Vatican.
Cet Appel, comme rappelé dans le Livret remis aux participants de la soirée-débat d'Ethique et Investissement, s'est assigné pour objectif de favoriser une culture commune "capable de veiller à ce que cette technologie serve le bien commun et la sauvegarde de la maison commune". Sont co-signataires depuis 2020 : le rabbin Eliezer Sima Weisz, le Cheik Abdallah bin Bayyah, Brad Smith (Microsoft), Dario Gil (IBM) Maximo T. Cullen (FAO) ; ils s'accordent à défendre des principes ayant trait à la transparence, l’inclusion, l’impartialité, la fiabilité, la sécurité et du respect de la vie privée que "les IA" ne devraient pas bafouer.
Un enjeu colossal
Cette initiative alerte sur l'urgente nécessité d'une éthique appliquée aux algorithmes, pièce maîtresse des « outils » dotés d’ « intelligence », certes « artificielle » (IA), c’est-à-dire en mesure de produire du renseignement (c’est le sens du mot anglais « intelligence », comme dans « CIA ») généré grâce à des digesteurs de données de plus en plus « puissants », si l’on considère les calculs statistiques effectués de manière automatique, dans ce système.
Sur un ton ni anxiogène, ni apologétique et en termes simples : un historique et une typologie (de Xavier Drouet) sont consultables ici.
De tels systèmes "truffés" d'IA «sont partout, constate Aurélie Jean. Elle précise, dans son livre "Algortihmes, bientôt maîtres du monde?" : « On ne les trouve pas que dans les réseaux sociaux, mais aussi en médecine, dans nos modes de transport, de communication, dans la finance, l’éducation, la construction… ». Partout, autrement dit « ces technologies ont le potentiel de remodeler notre façon de travailler, d’interagir et de vivre ; d’être humain en somme » (Geoffroy de Vienne, Président d’Ethique et Investissement).
Qu’est-ce que "l’IA" ?
Elle fait couler beaucoup d'encre et sera encore d’actualité prochainement : « l’IA » est à l’ordre du jour du G7 de juin 2024 en Italie, Sommet de chefs d'Etat auquel a prévu de participer le Pape François. La Présidente du pays hôte s’en réjouit, mentionnant l’IA comme « le plus grand défi anthropologique de cette époque». «Une technologie qui peut générer de grandes opportunités mais qui comporte aussi d'énormes risques et qui affecte inévitablement les équilibres mondiaux» rapporte Vatican News, qui relaie la nouvelle. « Le risque est que les critères qui sous-tendent certains choix deviennent moins clairs, que la responsabilité de la prise de décision soit dissimulée et que les producteurs puissent se soustraire à l’obligation d’agir pour le bien de la communauté » poursuit la Présidente italienne estimant que « le système technocratique, qui allie l’économie à la technologie et privilégie le critère de l’efficacité, en ignorant tendantiellement tout ce qui n’est pas lié à ses intérêts immédiats » et c'est un accélérateur de poids.
Le fait est est que des machines auto-« apprenantes », dont la sophistication est l’un des apanages, carburent grâce à des données, de plus en plus volumineuses, et elles sont de mieux en mieux « armées » pour retourner un résultat qui peut avoir les atours d’une « décision » en lieu et place d’un esprit humain. On dit qu’elles le font de manière « autonome » comme autrefois on a pu nommer, avant l'heure, les voitures motorisées d'objets « automobiles » (étymologiqment : qui se meut de manière autonome) ? Sauf que celles-là ne pouvaient se passer de chauffeur pour aller d'un point A à un point B… Tandis qu’avec l’IA, pas sûre que le pouvoir de décision humaine ne soit pas déjà entamé à un point inédit. Le sociologue Gérald Bronner dans sa chronique du 4/4/2024 parue dans l'Express, titré "Qui blâmer si des décisions calamiteuses sont prises par l'IA?" rapporte qu'une "firme polonaise présente dans 60 pays a révélé avoir mis à sa direction une IA nommée Milka (...) Il ne s'agit pas du 1er PDG artificiel" ajoute-t-il, en citant de plus, une entreprise chinoise, NetDragon Websoft...
Certes, "tendance n’est pas destinée" comme le scientifique écologiste, inspirateur avec Barbara Ward du 1er Sommet de la Terre onusien à Stockholm en 1972, René Dubos, avait coutume de le dire de son vivant (1901-1982). Mais gare, l'inclination en l'occurrence a un poids d'autant plus redoutable qu'elle est plurifactorielle : nous sommes à la confluence de « trois révolutions qui font système et s’auto-alimentent » constate Thierry Magnin, membre de l’Académie des technologies, théologien, président-recteur délégué aux humanités à l’Université Catholique de Lille. Dans « Penser l’humain au temps de l’homme augmenté », il énumère :
- la révolution de l’économie mondialisée ;
- la révolution du numérique et de l’information ;
- la révolution technoscientifique.
Ajoutant « Nul ne semble en mesure aujourd’hui de prévoir avec exactitude ce que le monde devient et deviendra à travers la synergie de ces trois révolutions, avec une impression d’accélération qui séduit et effraie tout à la fois. Si nous pouvons reconnaître les avantages majeurs que ces trois révolutions offrent à beaucoup d’hommes, d’organisations et de pays (…) certains redoutent un monde à plusieurs vitesses et de nouvelles formes d’exclusions pour ceux qui ne sont pas dans le coup »… La charte d’investissement d’E&I tient de tels « impacts » en haut de sa liste de critères électifs. D’où, pensons-nous, un effort de discernement et d’engagement à consacrer à ce sujet -parmi tant d'autres, il est vrai-, pour qui ambitionne d'investir de la manière la plus éclairée et responsable possible !
Entre excès d’honneur, et d’indignité
"Des algorithmes malins qui permettent à des machines crétines de résoudre des taches complexes". Voilà comment Cédric Villani définit l'intelligence artificielle sur RCF, le 19/10/2018. Et "en même temps", « chaque jour, dans une grande opacité, ils affectent notre accès à l’information, à la culture, à l’emploi ou encore au crédit » est-il écrit dans le Rapport qu'en tant que scientifique et député de l’Essonne à cette date, il a remis au Premier ministre de l’époque (2018), intitulé « Donner un sens à l’IA ».
Pour ce scientifique distingué (lauréat de la plus haute récompense dans sa discipline, la médaille Fields), l'IA est bel et bien « un sujet polymorphe » avec une dimension éthique, laquelle, dans le rapport cité, occupe tout un chapitre, propositions précises à la clé. Par exemple, l’idée qu’il faut réguler ces technologies mais que « la loi ne peut pas tout, entre autres parce que le temps du droit est bien plus long que celui du code. Il est donc essentiel que les « architectes » de la société numérique – chercheurs, ingénieurs et développeurs – qui conçoivent et commercialisent ces technologies prennent leur juste part dans cette mission en agissant de manière responsable. Cela implique qu’ils soient pleinement conscients des possibles effets négatifs de leurs technologies sur la société et qu’ils œuvrent activement à les limiter » (...). « En l’état actuel de l’art, l’explicabilité des systèmes à base d’apprentissage constitue donc un véritable défi scientifique qui met en tension notre besoin d’explication et notre souci d’efficacité ». Bigre ! Nous sommes les cobayes d'inventions tous azimuts que des apprentis sorciers sans vergogne expérimentent joyeusement... Une situation assez conforme avec le concept de "bac à sable" prévu par la règlementation européenne, prête à autoriser ces inventeurs à ne respecter aucune règle par ailleurs édictées, si c'est à des fins expériementales. Ne pas empêcher la recherche ni les avancées scientifiques, à tout prix, c'est aussi l'un des leitmotiv du Rapport de l'Office Parlementaire de 2017 pompeusement intitulé : "Pour une intelligence artificielle maîtrisée, utile et démystifiée", qui cite Marie Curie : «Dans la vie, rien n’est à craindre, tout est à comprendre». Au risque d'en mourir ? Le corps de cette illustre défunte, sans doute victime des radiations qu'elle a découvertes et utilisées sans précaution (dans l'ignorance des effets nocifs, seuls les avantages de cette découverte étaient magnifiés) est contenu aujourd'hui dans un cercueil en plomb car radioactif...
A fortiori avec le « deep learning » (apprentissage dit profond des machines) fruit du langage encore plus « large » mis au point, récemment, et qui « anime » des légions de Chatbots -ces « interlocuteurs » désormais incontournables et plurigénérationnels, cette explicabilité est comme la ligne d'horizon qui s'éloigne, plus on avance... La foi en "l'explicabilité", soit notre capacité à tout comprendre pour peu l'on l'on se donne la peine "d'ouvrir le capot" inspire, dans ce Rapport qui, à la différence de "Notre ambition pour l'IA" (Rapport 2024 au premier Ministre français), s'arrime lui sérieusement à la question de l'éthique, avec quelques injonctions très précises à :
Tels étaient les principaux jalons du chapitre sur l’éthique, dans le Rapport remis au Premier Ministre de 2018. Entre cette date et aujourd'hui, le discours a quelque peu changé : prise de conscience de la vanité de ce concept ? Ou de l’obstacle à la course effrénée du progrès que cette condition préalable infère, et par conséquent qu’il convient d’oublier, par lâcheté ou, plus vraisemblablement, par amour fou de la science ?
Plus récemment en effet (le 18/12/2023), dans l’émission-débat Thinkerview intitulée « IA notre futur assistant ou nouveau maître ? » l’explicabilité a comme "du plomb dans l'aile". Le caractère spectaculaire des prédictions sortant de « boîtes noires » les placent plutôt semble-t-il au-dessus du lot : elles sont « tellement supérieures à ce que les modèles établis » ont fait jusque là, que de bête noire elles accèdent au statut d’espèce à protéger pour ainsi dire ; rien ne doit entraver la recherche. Plus exactement, le mathématicien voit dans notre propre « surprise » face à ce qui « sort » de ce qui reste à nos yeux des « boîtes noires » poindre « un défi scientifique passionnant ». En effet, la nouvelle génération de "machines apprenantes" se révèle capable de prouesses inescomptées. Et si, eu égard aux modes d’apprentissage grâce auxquels la machine est entraînée à apprendre, il fallait comprendre que ce résultat signale tout bonnement qu’il y a « des régularités dans nos expressions » que nous ne soupçonnons pas (et dont les data données à la machine pour « muscler » ses capacités statistiques tirent parti) mais qu'elle révèle ? Elles seraient « plus grandes que ce que l’on imagine», bel et bien « captées» par ces machines. C'est ainsi qu'« elles nous enseignent sur nous-mêmes, êtres humains... ». Avec l’IA la plus avancée, « nous sommes face à un savoir pragmatique en quête de théorie » et c’est une situation inattendue, aux antipodes de la théorie de Shannon précise-t-il. Si Shannon a théorisé l'information, ouvrant la voie à des applications, aujourd'hui, c'est l'inverse : des applications existent et elles souffrent de théorie pouvant expliquer ce qu'elles arrivent à produire.
"Simple outil" ?
Nouvelle injonction, l’explicabilité en ce domaine passerait par le truchement suivant : « connais-toi toi même », γνῶθι σεαυτόν en grec. Le précepte gravé au fronton du Temple de Delphes, attribué à Socrate par Platon dans ses propres écrits serait donc de mise pour résoudre une énigme moderne -pardon : pour relever le défi scientifique à la clé de l’IA « générative » -, dont le décor fait il est vrai penser au « Mythe de la caverne », une allégorie diversement interprétée de Platon justement.
Seulement voilà, les outils de cet acabit sont « partout », -cash flows déja "sonnant et trébuchant" ou fantasmés, à l’avenant-, mais ne sont pas -loin de là- qu’à usage de « développement personnel », ni réservés à des fins philanthropiques. Bien au contraire Difficile, dans ces conditions, de les dédouaner de facto des impacts éthiques que leur utilisation, dans les divers environnements où ils prospèrent -parfois « à notre insu, de notre plein gré »- provoquent dans nos vies.
Sans ambages, Anne Alombert et Gaël Giraud alertent sur "les logiques sous-jacentes de l'IA, loin de l'objectivité scientifique ou de la neutralité politique" dans Le Capital que je ne suis pas ! Mettre l'économie et le numérique au service de l'avenir (éd. Fayard, 2024).
Force est de constater, à l’heure où pourtant la « finance à impact » tend à devenir le mantra nec plus ultra de l’investissement responsable, que ces impacts-là précisément semblent plutôt poussés du pied sous le tapis : combien d’entreprises, dans le cadre de leur RSE révèlent et prouvent qu’elles prennent la mesure et anticipent les questions éthiques spécifiques, en ce domaine ? En matière de gestion financière, quels professionnels osent « interroger » à cette aune leurs pratiques, décrire leurs outils quotidiens bardés d’ « IA » (dont ils sont aussi familiers que friands, fintech oblige !), et lesquels ont-ils à coeur de répondre de leurs interrogations/précautions auprès de leurs clients investisseurs (autrement que pour se vanter d’être à la pointe du progrès, car la tendance la plus courante est de s’emparer des innovations avec gourmandise…) ? Les enjeux sont pourtant bien du ressort de la gestion des risques autant que de la transparence due au client (épargnant/actionnaire) exigées, de plus en plus.
"Combien d’entreprises, férues de RSE prennent-elles la mesure
des questions éthiques associées à l'« IA »
et en gestion financière, quels professionnels osent « interroger »
à cette aune leurs pratiques, leurs modèles et leurs outils quotidiens bardés d’ « IA » ?
D'où, le 30 avril dernier, une soirée-débat autour d'intervenants tels que Christian Walter, pour lequel les techniques de la gestion financière et leurs outils ne sont pas neutres. Par conséquent, les valeurs éthiques arborées par les produits, que l’investisseur responsable croit financer sont-elles dévoyées ou non, du fait de ces passagers clandestins … ? Des modèles, des techniques familières en gestion financière sont à interroger dans cette perspective, voire à bannir a-t-il esquissé, et, à l'heure où de manière accélérée, sans ces réflexions préalables par "la force des choses" cette industrie se met à la page, avec des IA à foison, ce point mérite attention....
Le champ des questions que des entreprises férues de RSE (responsabilité sociale et environnementale) à propos d’IA peuvent et/ou devraient se poser a été lucidement balayé, exemples concrets à l’appui, par Stéphanie Scouppe. Combien se sont attelées, comme elle au sein de son entreprise (ADP) par exemple, à une cartographie des risques en ce domaine, notamment?
Enfin, Arthur Grimonpont, jeune ingénieur qui, aux côtés de Reporters sans frontières (RSF) a œuvré à la charte sur l’IA et le journalisme publiée il y a quelques mois, a choisi, explicitement, de passer sous silence les avantages de l'IA parce que "ceux qui en tirent profit sont suffisamment prolixes". Son objectif assumé, au risque de faire figure de prophète de l'apocalypse : « Protéger l’information à l’ère de l’IA». Il s’est attaché à dépeindre lors de cette soirée-débat le rôle des réseaux sociaux dans notre accès effectif aux sources d’information et les incidences de leurs algortihmes sur nos capacités de discernement, avec des points de vigilance qui corroborent les alertes de certains neuro-biologistes, notamment.
L’information, matière première de l’intelligence économique et dans une mesure croissante, "nerf" de la finance de marché, est déterminante. Elle est même cruciale, dans la prise de décision. Humaine, de préférence ! D’où l’importance de ce sujet à nos yeux. Promis, la teneur de ces interventions et le débat de qualité qui s’en est suivi donneront lieu à un compte-rendu, à l'occasion de notre prochaine Newsletter, mi-2024.
D’ici là, pour aller plus loin, approfondir un ou plusieurs points, joignez-vous à nous : info@ethinvest.asso.fr
Michèle Royer,
chargée de mission
Difficile de savoir à qui nous pouvons faire confiance quand nous avons des investissements à faire. Comment être sûr que les ambitions ESG, éthique, écologique des fonds soient réelles ?
Société à mission, label ISR, taxonomie, PRI : y voir plus clair !
C’est en cela que le colloque de novembre fut intéressant, il m’a aidé à y voir plus clair dans ce que doit être une entreprise à mission, comment fonctionne un label ou encore ce qu’est la taxonomie, des termes qui parfois peuvent nous dérouter parce qu’on ne sait pas très bien ce qu’il y a derrière.
J’ai surtout apprécié l’intervention du président de la CAMIF, Emery Jacquillat, qui a su nous partager d’une manière simple et concrète ce qu’est (ou devrait être) une société à mission, et comment, avec ses salariés, ils ont réussi à mettre par écrit la raison d’être de la CAMIF et à se fixer des objectifs, allant jusqu’à renoncer à un certain profit. Par exemple, une perte de chiffre d’affaire significative attendue, en décidant de fermer le site de vente de ses produits le jour du « Black friday », un acte provoquant, qui a tout d’abord suscité une certaine incrédulité car c’est un jour faste, pour les commerçants. Y renoncer, quelle folie ? Mais cette décision avait un objectif : aligner manifestement les valeurs prônées par l’entreprise, à savoir la sobriété (et donc la non incitation au gaspillage de ressources induit par la « sur-consommation ») avec ses pratiques, pour réveiller les consciences.
Il est bon d’entendre rappeler qu’une entreprise a un rôle et un impact dans la société et qu’elle n’existe pas seulement pour que des actionnaires se partagent les profits. J’ai été surprise par le peu d’entreprises qui ont fait ce travail d’élaboration de leur raison d’être pour afficher leur modèle économique, au service de l’Homme et de la planète. Celles qui le font méritent qu’on les encourage, à mon avis, pour autant qu’elles en fassent état et que leurs allégations soient contrôlées. En tant que religieuse, j’estime important que notre argent soutienne et favorise la vie et le respect des personnes, comme les entreprises à mission le font, en principe, envers leurs salariés et la planète.
Le label ISR participe aussi en partie de cette confiance et dans ce but son cahier des charges a été révisé, comme l’a détaillé une autre intervenante du colloque, Michèle Pappallardo, qui a présidé à cette évolution. Avant tout, je retiens que c’est un label généraliste à ne pas confondre avec un label vert.
J’ai aussi un peu mieux compris ce qu’était la taxonomie européenne : un outil pour permettre aux entreprises de valoriser leurs activités durables sur le plan environnemental et donc leur contribution à la transition écologique. Mais les échéances et l’engouement relatif pour l’utiliser repoussent cette ambition dans un horizon de temps bien lointain … Cet outil a le soutien des PRI, qui regroupe des investisseurs signataires de principes pour que la finance favorise un monde soutenable, présent à cette tribune également.
Evelyne Royer, Administratrice d’E&I, Économe générale de la congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie et de l'Adoration
avec Michèle Royer, chargée de mission E&I
Que de sigles jetés en pâtures à l’investisseur regardant, au-delà des ratios classiques ! Gestion de fonds, gestion d’entreprise : l’enjeu de la communication d’information en matière de durabilité, sur ces deux fronts, fait évoluer la donne règlementaire, dans l’UE. Un point d’actualité pour voir un peu plus clair dans ce foisonnement ?
CSDD ou Devoir de vigilance au plan européen… en approche !
Dix ans quasi jour pour jour après l’effondrement au Bengladesh du Rana Plaza - immeuble abritant plusieurs ateliers de confection de marques internationales - la commission des affaires juridiques de l’UE a approuvé de nouvelles règles visant à intégrer les droits humains et l’impact environnemental dans la gouvernance des entreprises, dans une perspective élargie rappelait Murielle Hermellin administratrice d’E&I dans la newsletter Flash info ISR de Promepar AM (N°70, mai 2023).
Selon cette même source, si le projet de directive en cours, actuellement sous le sigle CSDD, aboutit les entreprises de l’UE ciblées seront tenues d’identifier, prévenir, mettre fin ou atténuer l’impact négatif de leurs activités, y compris celles de leurs partenaires commerciaux, affectant les droits humains et l’environnement.
Dans cette perspective juridique, l’ensemble de la chaîne de valeur est à considérer : les « donneurs d’ordre » et leurs « exécutants » sont liés également à l’aune des incidences de leur activité qui se révèleraient délétères pour la Terre et/ou les Hommes. Si le processus législatif européen enclenché se poursuit sur cette lancée, elles seront tenues d’évaluer à cette aune leurs partenaires, non seulement les fournisseurs, mais aussi les activités liées à la vente, à la distribution et au transport stipule Promepar AM dans la publication citée supra. Sont notamment visés : le travail des enfants, l’esclavage, le « travail forcé » mais aussi la pollution, la dégradation de l’environnement (climat, biodiversité, notamment).
Après le feu vert de la commission juridique de l’UE le mois dernier, le rapport préconisant de se doter d’une telle directive a été adopté par les eurodéputés, en ce début juin. Reste à venir le vote du texte de la directive elle-même au Parlement européen ; puis obtenir gain de cause en Conseil in fine.
Concrètement, la CSDD introduirait dans le droit européen la notion de « devoir de vigilance », qui a été pour la première fois proposée par le législateur français dans la LOI n° 2017-399. « Loi Potier » du nom du député qui l'a défendue contre vents et marées.
«D’après cette loi, dite "Loi Potier", les entreprises ont la responsabilité légale d’être « vigilantes » en effectuant des évaluations qui identifient les risques de durabilité, ou les risques liés aux abus en matière de droits humains sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement (y compris leurs fournisseurs et partenaires commerciaux); à elles aussi de prendre les mesures pour prévenir ces risques et ces abus, de publier des informations sur les risques de durabilité identifiés et les mesures prises pour y remédier, en leur sein et au sein de leurs prestataires et fournisseurs. La directive européenne de la CSDD projetée reprend dans les grandes lignes les principes du devoir de vigilance, une notion pour la première fois proposée par le législateur français dans la LOI n° 2017-399 ». Cette vigilance au-delà des seuls murs de l’entreprise fait partie de sa responsabilité légale d’après cette loi française novatrice, qui fera école au plan européen ?
« Voté par le Parlement européen le 1er juin 2023, le texte devrait être formellement adopté en 2024 » pronostique un cabinet d'experts.
SFDR, double matérialité et typologie des fonds (6 ? 8 ? 9 ?)
Appliquée cette fois aux gestionnaires des produits financiers qui intéressent un nombre accru d’investisseurs férus d’ESG (Environnement, Social/sociétal, Gouvernance), l’exigence de communication et de preuve, à travers leur reporting, est encadrée par le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure) qui vient d’entrer en application ; il adopte une approche dite de « double matérialité », analyse Promepar AM dans un supplément interne daté de mai 2022 : « D’une part, il impose aux acteurs des marchés financiers de fournir des informations sur la prise en compte des « risques en matière de durabilité ». Ces risques correspondent à des évènements ou situations liés aux facteurs de durabilité qui pourraient avoir une incidence négative sur la valeur des Investissements.D’autre part, le règlement SFDR crée des exigences de transparence sur les « incidences négatives en matière de durabilité » ou PAI Principal Adverse Impacts en anglais. Contrairement aux risques de durabilité, il s’agit de fournir des informations quant aux conséquences négatives des investissements sur les facteurs de durabilité. Les gérants de fonds de fonds peuvent quant à eux s’appuyer soit sur la nature SFDR de chaque fonds, soit (...) sur le processus de sélection ESG» mis en oeuvre, estime cette même source.
Elle se réfère à une définition AMF (Autorité française des marchés financiers) à propos de la typologie des fonds induite par le réglement européen "SFDR":
* Les produits dits « Article 8 » promeuvent des caractéristiques environnementales et/ou sociales à condition que les entreprises dans lesquelles les investissements sont réalisés suivent des pratiques de bonne gouvernance.
* Les produits dits « Article 9 » ont pour objectif l’investissement durable, au sens de la taxonomie européenne (qui classe les activités comme étant durables ou pas).
* Enfin les produits dits « Article 6 » ne font pas la promotion des caractéristiques environnementales et/ou sociales, qui n’ont pas un objectif d’investissement durable et qui ne répondent pas à la définition des articles 8 et 9.
Le reporting des acteurs de l'industrie financière visés par SFDR est en quelque sorte le "pendant" de l'obligation de reporting qui s'impose de plus en plus aux entreprises (les "émetteurs" d'actions et/ou d'obligations parfois) à travers une autre directive en cours d'application, désignée par un autre nouveau sigle : CSRD !
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Michèle Royer,
chargée de mission d'E&I
avec Murielle Hermellin, Administratrice d'E&I
Pour éclairer le chemin parcouru ces 40 dernières années et celui qui reste à parcourir, afin que la finance favorise une économie plus humaine, Éthique et Investissement a réuni le 19 avril dernier au Forum 104 (à Paris) et en viso, des compagnons de route, témoins et visionnaires. Merci à ces intervenants et aux participants, plus largement, qui ont répondu... "présents" pour se ressourcer et réfléchir à notre avenir commun !
Ce colloque, organisé dans le cadre des évènements anniversaire d’Éthique et Investissement, avait pour objectif de revenir sur nos 40 ans de cheminement associatif, tout en réfléchissant sur le chemin à parcourir.
Les intervenants nous ont incité à nous interroger encore et encore sur la signification du mot “Éthique”. En tant qu'investisseur, nous sommes souvent confrontés à des interlocuteurs (banquiers, assureurs, conseillers financiers, gestionnaires de fonds...) qui mettent en avant les chiffres, le rendement. Croiser cela avec la notion d'Éthique n’est pas chose aisée. Le discernement éthique au moment d'investir, d'épargner, requiert du temps et des efforts.
Ethique, vous avez dit "éthique" ?
Nous avons tous, nous personnes “lambdas”, déjà été en contact avec des "sachants" qui ont, en vain bien souvent, tenter de nous expliquer ce qu’était l’éthique, l’ISR ; ou encore, les niveaux de risques financiers liés à notre volonté d’ investir selon nos valeurs éthiques, entre autres arguments, ils nous parlent de réglementations, et emploient un langage bien souvent trop technique, presque inaudible.
Aucun de ces sachants n’a la science infuse, aucun ne peut donner une indication ferme et définitive de ce qu'il faut faire. C'est là l'objet de la réflexion à mener. Telle est la réalité.
Aussi, notre association s’est donnée pour objectif de mettre en relation des professionnels, des particuliers et des religieux, afin que nous puissions réfléchir collectivement aux différentes questions inhérentes à ces sujets sensibles. Notre intention n'étant pas de dicter la "bonne" décision à prendre, dans nos choix quotidiens dans nos missions respectives : cet acte reste de la responsabilité de chacun, in fine.
Mais avant d'arriver à ce moment "décisif", échanger sur le fond, de manière désintéressée, en se mettant à l'écoute de points de vue et d'approches différentes et complémentaires, est indispensable.
C'est ensemble que nous nous posons les bonnes questions, ensemble aussi que nous mûrissons nos réflexions.
Christiane Vanvincq,
Econome Générale Xavières - CA E&I
1983-2023 : chemin parcouru. Et à parcourir.
Ethique et Investissement, association fondée en 1983 par Nicole Reille, célèbre en 2023 ses 40 ans.
Ce sera l'occasion de rendre un bel hommage à notre fondatrice, Sœur Nicole Reille, mais également l'occasion de donner un nouvel élan à l'association, tout en gardant les bases solides qui ont assuré sa vitalité durant ces quatre décennies.
Le lancement de cet anniversaire se tiendra le 19 avril 2023, sous la forme d'un colloque spécial qui aura lieu en fin de journée, à Paris et en visio. Le thème : chemin parcouru… et à parcourir.
Compagnons de route historiques, actuels et à venir : à vos agendas !
Parmi les temps forts destinés à « marquer » ces 40 ans, il y aura un appel à contributions pour réaliser une BD sur la vie de Nicole Reille, pionnière de l’ISR en France ; un documentaire TV grand public sur les intuitions du groupe d’économes à l’origine d’E&I, quant au rôle économique et social/sociétal de l’investisseur ; une thèse en partenariat avec un acteur académique, voire une entreprise éligible au dispositif « CIFRE »…
Inscription indispensable ici
Pour en savoir plus :
michele.royer@ethinvest.asso.fr
@EthiqueInvest
Face au risque de "capture des régulateurs" les co-signataires de cette Lettre Ouverte au Président de la République à propos du fonctionnement de l'AMF l'interpellent.
LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE |
Copie : au Ministre des Finances au Président du Sénat à la Présidente de l ‘Assemblée Nationale au Président du CESE au Président de l’ANC au DG du Trésor |
Monsieur le Président de la République,
L'Autorité des Marchés Financiers (AMF) est définie par les textes qui la régissent comme "autorité publique indépendante" dédiée à la protection de l'épargne, à la surveillance de l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés. Si l'AMF dispose d'une certaine indépendance de moyens, avec l'irrévocabilité de son président (non-rééligible) et des membres de ses Collèges, la désignation de toutes ces personnalités se révèle mal refléter cette volonté : le compte n’y est pas !
Il devient critique que, quasiment jamais, la voix des épargnants ou des gérants d'actifs ne se fasse entendre, que jamais un contentieux ne puisse mettre en lumière les abus toujours possibles d'un grand émetteur (public ou privé) qu'il s'agisse d'information financière, de produits ou de transactions contestables. Or, la loi dans son Article L 421-1 définit un marché réglementé comme "un système multilatéral qui assure ou facilite la rencontre de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers". Force est de constater, dans les faits, que la diversité nécessaire en l’occurrence n’est pas effective ; et en particulier, que les intérêts légitimes des épargnants se trouvent sous-représentés au sein du Collège et de la Commission des sanctions sous l’égide de notre AMF.
La professionnalisation de cet organe de régulation souhaitée en 2003 lors de la fusion de la COB et du CMF pour donner naissance à l’AMF a généré une sur-représentation des grandes banques et des grandes entreprises. De fait, avec l'adoption entre 1980 et 2000 du régime dit de banque universelle sur notre continent et aux États-Unis, régime conforté en sortie de crise financière, les intérêts côté "émetteurs" et côté "investisseurs" sont confiés aux mêmes établissements avec la garantie implicite des États. Résultat, sous la férule de quelques puissants groupes, les économies d'échelle ont mécaniquement assuré la primauté de la première catégorie, au détriment de la seconde.
Cette situation de déséquilibre se retrouve peu ou prou dans tous les pays, mais elle nous semble récemment aggravée en France : la nomination de la nouvelle présidente de l’AMF a conduit à la démission du (seul) représentant de la "société civile des épargnants" dans la gouvernance de l’AMF en place, M. Thierry Philipponnat déclarant par voie de presse : "Les conditions ne sont plus aujourd’hui réunies pour que l’Autorité des Marchés Financiers fonctionne effectivement comme une autorité administrative indépendante. [...] De façon importante, cette question dépasse de loin la gestion des conflits d’intérêts tels qu’ils sont définis par la loi : la capture des régulateurs est un phénomène insidieux."
Ce phénomène contrevient à la définition d’une Autorité des Marchés Financiers telle que promise et gravée dans la loi en 2003. C'est pourquoi nous* sollicitons de votre part un examen plus impartial, à tout le moins, des nominations pour la composition du Collège de l'AMF et de sa Commission des sanctions. Mais aussi, votre soutien dans notre interpellation pour donner aux « petits » épargnants et investisseurs « minoritaires» voix au chapitre : c'est un pré-requis à toute véritable indépendance de l’Autorité de régulation en question.
Prêts à prendre notre part dans la correction des biais constatés, nous* vous remercions Monsieur le Président de la République de votre attention à notre alerte. Avec l’assurance de notre respectueuse considération,
Paris, le 11/01/2023 |
SIGNATAIRES |
Geoffroy De Vienne, Président d’Éthique & Investissement (E&I)
Frédéric Tiberghien, Président de FAIR
Gilles Pouzin, Président-fondateur de Deontofi
François Faure, Réseau CEP
Hervé Chefdeville, Président de l'Association pour le Patrimoine et l'Actionnariat Individuel (APAI)
Marc Mathieu, Fédération européenne de l’actionnariat salarié
Grégoire Cousté, Délégué Général du Forum pour l'investissement responsable (FIR) |
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L’Académie Pontificale des Sciences Sociales a publié le 29 novembre 2022 “Mensuram Bonam" : un appel à l'action adressé aux femmes et aux hommes de bonne volonté pour qu'ils fassent de la finance un moyen au service du bien commun. Il y tant à faire ! Et, conformément aux Textes : c'est à eux, -à nous- de le faire... Pas de "Deus ex machina" à attendre du Ciel. Retroussons nos manches.
Cet appel, en vue d’une finance davantage inspirée par la Pensée Sociale de l’Église converge avec l’élan réformiste que le Pape François a initié et met en place, progressivement (cf notre article du 15 août 2022) avec, notamment, la réorganisation des institutions financières et la nouvelle stratégie d’investissement du Vatican.
Les travaux de l’Académie Pontificale publiés dans Mensuram Bonam font tout d’abord référence à l’ambition de la deuxième session du Concile Vatican II (1962-1965) qui était, à l’échelle de la vie terrestre des fidèles de l’Église, de les encourager à des réflexions sur divers sujets afin que les hommes trouvent par eux-mêmes les solutions “techniques” à mettre en œuvre, sans attendre un “Deus ex machina” dictant ces solutions...
En l’occurrence il s’agit d’un texte qui se veut éclairant, et non pas contraignant, à propos du rôle que chacun est appelé à jouer, dans l’économie via la finance. Il relève que les Dicastères de la Curie Romaine appellent à une utilisation et à une gestion en accord avec les commandements de La Bible qui servent l’œuvre et les volontés de Dieu : “Il est important que la gestion des biens créés, comprenant toutes les formes d'activité financière, en particulier la gestion d'actifs, soit dirigée pour refléter ce don de Dieu à la famille humaine, en servant le bien commun, en respectant la justice et les normes éthiques”.
Les auteurs soulignent que l’Eglise n’a ni le droit ni le pouvoir de s’immiscer dans les politiques publiques ou dans les vies privées des fidèles. En revanche, Elle souhaite poursuivre sa mission qui est celle de la recherche de la vérité, et conformément à l’Evangile de Jean au Chapitre 8 verset 32, il n’y a que la vérité qui permet de parvenir à la liberté.
“Dès lors, la lumière de l'Evangile et de la Doctrine Sociale Catholique que Mensuram Bonam entend apporter sur la gestion des avoirs financiers relève de la mission de vérité de l’Eglise, qui n'est pas seulement la vérité de la foi, mais aussi la vérité de la raison. L’enseignement social de l'Église est une application particulière de cette rencontre entre la lumière de la foi et la lumière de la raison”.
Dans le cadre des activités et des convictions de notre association, cette prise de position de l'Académie vaticane constitue une sorte de consécration de la vision de notre fondatrice Sœur Nicole Reille. Ce document confirme également que la mission est loin d'être achevée ; elle est plutôt destinée à prendre de l'ampleur dans l’avenir.
Pour les auteurs de Mensuram Bonam qui ont travaillé sous l'égide de l'Académie des Sciences Sociales du Vatican : "Depuis que la finance a pris un rôle éminent à tous les niveaux de l'activité humaine, (...) réfléchir aux exigences de la vie de disciple chrétien, y compris la vocation des personnes à la gestion dans ce domaine, est devenu plus critique. Il est important que la gestion de ces biens, en particulier des actifs -et toutes les formes d'activité financière sont incluses dans ce raisonnement-, soit efficace et orientée pour refléter ce don de Dieu à la famille humaine, en servant le bien commun, en respectant la justice et les normes éthiques" (...)
Quelques "verbatim" (provisoires, car la traduction en français n'est à date pas encore parue) :
« Comme le Pape François l'observe souvent, la crise actuelle due à la pandémie de Covid-19 a mis à jour d'autres pandémies affectant les systèmes sociaux pour les rendre dysfonctionnels, d'où l'insécurité de l'emploi, le faible accès aux soins de santé, l'insécurité alimentaire et la corruption. (...) Chaque fois que cela est nécessaire, nous sommes appelés à soutenir les changements de valeur nécessaires, via les critères d'investissement pour bâtir un avenir post-pandémique meilleur, dans lequel nous voulons investir».
« Les paroles du pape Benoît XVI à propos de la crise financière de 2008 restent d'actualité : "La crise actuelle nous oblige à replanifier notre parcours à nous fixer de nouvelles règles et à découvrir de nouvelles formes d'engagement, à nous appuyer sur les expériences positives et à rejeter les expériences négatives. La crise devient ainsi une occasion de discernement, dans laquelle nous pouvons façonner une nouvelle vision de l'avenir". Dans cet esprit, avec confiance plutôt qu'avec résignation, il convient d'aborder les difficultés du temps présent »[Caritas in veritate, 21].
L'un de ces participants au groupe de travail signataire de cette publication, Pierre De Lauzun observe dans l'un de ses derniers livres, Finance A Christian Perspective From the Medieval Bank to Financial Globalization (2021) : " Dans le Nouveau Testament, il y a une pensée et un raisonnement économiques" trop rarement pris en considération.
Pierre de Lauzun, l'un des membres du groupe de travail à l'origine de Mensuram Bonam l'évoque précisément dans l'entretien qu'il a accordé à Ethique et Investissement, représenté par Pierre-Henry Leroy, membre du CA. Un échange nourri, sur plusieurs sujets tantôt historiques, tantôt d'actualité, à visionner ici.
Michèle Royer
avec Viviane Kao
Ce titre est une interpellation des investisseurs, centrée sur leur part de responsabilité dans la portée des activités des industries d’armement.
Pour alimenter nos réflexions sur les armes létales, dont le financement serait en crise nous avons voulu interpeller aussi l’Industrie elle même, l’Armée et les politiques qui ont aussi leur part de responsabilité, avec chacun leurs propres contraintes à gérer. Un maître-mot pour guide : comprendre les différents points de vue constitutifs de la problématique.
L’exclusion -ou non- du secteur de l’armement de nos portefeuilles est l’un des sujets graves du moment
D’une part le contexte normatif prônant la « durablité » invite à l’exclusion (taxonomie discutée au sein de l'UE, écolabel européen....); d’autre part, la guerre qui fait rage sur le continent européen exacerbe, au contraire, le souhait d’avoir une Défense capable d’assurer la sécurité nationale.
Rien d’étonnant donc à ce que la question tance investisseurs et épargnants consciencieux : Investir dans l’armement revient-il à financer la guerre ou la paix?*
D’où le choix de ce thème pour notre colloque du 16 novembre dernier. Les intervenants et les questions de la salle ont permis d’affiner la perception de ce secteur sujet à caution, la qualité de son fonctionnement eu égard aux valeurs qui nous animent, et finalement de cerner un peu mieux son rôle et la place particulière qu’il occupe dans l’organisation de la société et des missions de l’Etat. A la tribune, quatre intervenants représentatifs ont apporté des éclairages complémentaires :
1 – Un ingénieur de l’industrie de l’armement
Pierre-André Moreau, reconnu comme le « père » d’une arme que l’on (re-)découvre aujourd’hui, car elle sert à la Défense de l’Ukraine dans la guerre qui l’oppose à la Russie, nous a fait entrevoir quelles difficultés soulèvent le financement d’une arme innovante - le canon Caesar- en l’occurrence. Ces difficultés ne datent pas d'aujourd'hui ! A l’époque de GIAT industrie (Nexter aujourd’hui) où ce Général de la DGA fut « détaché » dans les années marquées par la chute du Mur de Berlin, financer une telle invention (pour des tirs d'artillerie plus ciblés, plus "furtifs", potentiellement moins meurtriers) relevait déjà de la gageure : contre l’avis des Etats Majors, le ministre de la Défense d’alors décida d'autorité d’« amorcer la pompe » ; ensuite, les commandes de pays tiers, parmi lesquels l'Arabie Saoudite, ont permis de continuer à faire tourner quelques chaînes de production à Bourges, berceau de canon Caesar.
En matière d’arme, fruit de techniques duales, de plus en plus -c’est-à-dire composée d’éléments utiles aux plans à la fois civil et militaire-, chères et longues à produire, les débouchés à l’export sont clés. La France est à l’heure actuelle encore l’un des trois plus grands exportateurs d’armes au monde.
2- Un représentant du dialogue industriel-investisseurs, à l’ère de l’ISR
Pour un industriel, même si son métier est de fabriquer/vendre des armes, il y a de nombreuses façons de l’exercer de façon responsable, tant au niveau des caractéristiques des armes à fabriquer qu’il lui revient en dernier ressort de définir, qu’à l’aune des demandes des clients qu’il peut accompagner (ou pas : cf les armes prohibées par les traités internationaux, telles les mines anti-personnelles notamment, ou susceptibles d’entacher sa réputation, comme on le voit avec les « robots tueurs ») ; et aussi, dans sa façon de les fabriquer et de les vendre, par son attitude et par ses choix, l’industriel exerce sa responsabilité sociale et environnementale (RSE). Ces choix ont un impact sur les conséquences humaines des conflits présents ou futurs.
Sur la RSE mise en place -notamment contre le risque de corruption- et à propos du risque d’exclusion sectorielle a priori -problématique pour une entreprise cotée-, Bertrand Delcaire, directeur des relations avec les investisseurs chez Thalès, a témoigné des actions de conformité à l’actif de son groupe. De la salle virtuelle, une question est venue pointer le caractère arbitraire des prohibitifs « 5% du CA tiré des armes » : dans l'analyse extra-financière, ce ratio, sans fondement scientifique connu, lorsqu'il est atteint fait basculer l’entreprise dans la catégorie des entreprises frappée d’anathème (notamment, dans certaines pays de l’UE ayant adopté un cahier des charges pour leur écolabel drastique envers ces activités). Un critère suffisant ?
3 – A l’interface des besoins des Etats-Majors et des fabricants d’armes, un ancien conseiller du Ministre de la Défense, ingénieur, militaire (DGA)
Les militaires ont pour fonction de défendre la Nation. Ils sont soumis au contrôle des politiques mais ils ont aussi des choix à faire, des choix stratégiques et tactiques, conditionnés d’abord par la perception de la menace et ensuite par les modalités de réponse à ces menaces, notamment par l’acquisition d’armements.
Les choix formulés dans leur dialogue avec l’industrie de l’armement sur les caractéristiques des armes lors des appels d'offre auront un impact sur les conséquences humaines des conflits présents ou futurs.
Jacques Bongrand, qui fut notamment, en charge des programmes et budgets à la DGA où il a fait l’essentiel de sa carrière, a partagé son retour d’expérience au carrefour des besoins des Etats Majors et des appels d’offres destinés aux industriels. De l'intérieur, il a éclairé comment les politiques et leur bras armé que sont les gouvernements, non pas dans leur rôle de prévention/gestion des conflits mais dans leur rôle de régulateur des industries d’armement, tant au plan national qu’au plan international ont également une responsabilité dans la question de la portée des activités des industries d’armement.
Auteur d’un recueil de réflexions collectives sur les Aspects éthiques et sociaux des nouvelles techniques de défense en 2015, il a en outre campé les grandes évolutions et les défis éthiques qui caractérisent ces dernières années.
4 – A la jonction des analystes extra-financiers et des gérants de fonds ESG
L’industrie de l’armement est financée par des fonds publiques sous le contrôle des politiques et des fonds privés sous le contrôle des investisseurs. Les choix des investisseurs lorsqu’ils décident de s’intéresser à ce secteur sont conditionnés par la qualité des analyses extra financières qui leur serviront de guide. Les choix faits par les analystes extra financiers, tant dans les méthodes d’analyses que dans la communication de leurs résultats, ont ainsi une influence sur les décisions de l’investisseur.
Directeur associé du cabinet Sustainalytics qui évalue les entreprises à l’aune de leur RSE, aux avant-postes des évolutions règlementaires et sociétales qui impactent l’ISR, Axel Pierron a dressé un panorama du secteur et de la situation concernant l’anathème auquel il est notoirement exposé. A noter : l’exclusion a priori, massive, de certains secteurs par les investisseurs qui se réclament de l’ISR n’est pas sans lien avec leur performance boursière. Il se trouve que les valeurs de l’armement n’étaient pas particulièrement séduisantes, avant que n’éclate la guerre entre l’Ukraine et la Russie ; depuis, les cours de société comme Thalès ou Dassault se sont envolés. Une raison suffisante pour désinvestir/investir ?
Dans cette chaîne de responsabilité, il y a le particulier qui peut agir en tant qu’investisseur sur l’industriel (investir, désinvestir, engagement/plaidoyer, .... ) et en tant que citoyen sur le politique avec son bulletin de vote. Les quatre interventions ont suscité des échanges nourris avec les participants présents dans la salle des Nymphéas du Forum 104 à Paris, et ceux de la salle virtuelle. Sans épuiser le débat, naturellement !
chargée de mission E&I
*NB: pour accéder à des ressources documentaires complètes, cliquer sur les mots soulignés :
Programme du colloque ici
A compter du 1er septembre prochain, dans un nouveau cadre organisationnel, une politique d'investissement "alignée" avec ses valeurs va être expérimentée pour les fonds du Vatican. En primeur, quelques informations, à date, sur les critères préconisés et les instances réformées selon le vœu du pape François dont l’Encyclique Laudato Si séduit des générations, au-delà des cercles « catho »...
Viser une « contribution à un monde plus juste et soutenable ». Voilà un objectif cohérent avec l’Encyclique Laudato Si. Il figure en bonne place, parmi les objectifs assignés à toute future décision d'investissement, pour le compte du Vatican, dans un document émanant du Secrétariat pour l'Economie (SPE) placé sous l'autorité directe du Pape François, selon la nouvelle Constitution publiée cette année aussi.
Plus avant, dans le même document qu’a pu consulter E&I, apparaît un autre objectif primordial : investir de préférence dans des activités productives (favorisant l'"économie réelle") plutôt que spéculatives. Echo à un autre document, publié le 17 mai 2018, Oeconomicae et pecuniariae questiones : y est stigmatisée, en effet,« une mauvaise financiarisation de l’économie » qui fait « en sorte que la richesse virtuelle, principalement concentrée sur des transactions caractérisées par une intention de pure spéculation et sur des transactions à haute fréquence (high frequency trading) attire à elle des capitaux en trop grand nombre, les soustrayant ainsi aux circuits vertueux de l’économie réelle ». L’intention n’est pas anti-financière, mais de remettre la finance à sa place : un instrument au service de la Création. Et non l’inverse. Dans cette perspective, bien sûr, rendement (utile) et sécurité de la mise sont de rigueur. Mais pas seulement.
Historiquement, en matière de finance éthique rappelle Patrick Jolivet dans l’Encyclopediae Universalis, « Il s'agissait de placer les fonds de communautés religieuses conformément à leurs principes, en excluant les « actions du péché » (sin stocks) : actions des entreprises d'armement, des producteurs d'alcool, de pornographie, etc. Si cette pratique d'exclusion de certains portefeuilles d'actifs financiers existe encore actuellement, notamment dans les pays nordiques et anglo-saxons, la finance dite responsable ou éthique s'est développée dans des pays comme la France sous l'impulsion des préoccupations liées au développement durable et à la responsabilité sociale de l’entreprise » en misant aussi sur la capacité à faire « évoluer » les valeurs investies, de l’intérieur.
A date, dans le document accompagnant l’installation du nouveau Comité d’Investissement du Vatican, l’exclusion de certains secteurs et de certains véhicules n’est pas taboue. Ainsi, au rang des produits, technologies et secteurs à bannir figurent, au bas mot : la pornographie, la prostitution, le jeu ; mais aussi, l’armement, l’avortement ; et dans la même veine, les entreprises pharmaceutiques impliquées dans la production de contraceptifs et la manipulation d’embryons. Au nom du respect absolu de la vie.
Sont aussi listées des pratiques, pas vraiment exclues, mais dites « à éviter » : les investissements spéculatifs portant sur les « commodités » (matières premières minières , agricoles et énergétiques …) et dans l’industrie de l’énergie nucléaire, ainsi que dans les compagnies productrices de boissons alcoolisées.
De surcroît, il appartiendra au comité d’investissement institué dans le cadre de la nouvelle organisation administrative du Saint-Siège d’étendre éventuellement cette liste ; et aussi, d’établir la liste des pays trop peu regardants sur la corruption, le blanchiment… A proscrire de son univers d’investissement. Du moins, cet organe consultatif aura-t-il, sur cette question, voix au chapitre.
A contrario, les facteurs E,S,G prisés par les assets managers « engagés » méritent considération ! Avec cet avertissement en prime : il est nécessaire que le Comité planche sur une méthodologie destinée à vérifier l’alignement des « Best-in-class » (en tout cas, identifiés comme tels par les analystes) avec l’enseignement social de l’Eglise, et à mesurer l’impact positif, démontrable, des investissements préconisés à l'aune de l’équité et de la lutte contre le dérèglement du climat.
Les statuts de ce nouveau comité d’investissement stipulent, dès l’article premier, que la sélection et l’effectivité des choix doivent être conformes « à l’enseignement social de l’Eglise catholique et aux principes ESG », ces derniers étant chers à l’ISR et, dans une certaine mesure aussi, à la taxonomie européenne.
En revanche, pas un mot sur l’activisme ni le dialogue actionnarial dans la définition de la politique d’investissement confiée par le Secrétariat de l’Economie au comité d’investissement du Vatican !
Soulignons toutefois qu’au premier rang des principes est réaffirmé que « toute décision d’investir dans tel placement plutôt que tel autre, de préférer un secteur d’activités à un autre est toujours un choix moral et culturel ». Autrement dit, une responsabilité à exercer en son âme et conscience, de manière éclairée, comme Ethique & Investissement ne manque d'ailleurs jamais de le préciser dans ses Ateliers, formations et prises de positions depuis près de 40 ans. Autrement dit, pas comme un automate, ni un individu s’en remettant aveuglément à d’autres, y compris à de l’intelligence artificielle !
Au journaliste Phil Pullela qui a demandé au Souverain Pontife «Pensez-vous qu'il y a eu suffisamment de changements pour éviter que des scandales (…) ne se reproduisent ?». «Je crois que oui», a répondu le Saint-Père, avec «la création du Secrétariat pour l'économie avec des personnes techniques, qui comprennent, qui ne tombent pas dans les mains de “bienfaiteurs”, ou d'amis qui peuvent vous faire déraper; je crois que ce nouveau dicastère, disons, qui a tous les financements entre ses mains, est une vraie sécurité dans l'administration. Parce qu'avant l'administration était très désordonnée». Il a alors cité l'exemple d'un chef de bureau de la secrétairerie d'Etat qui devait gérer les finances mais qui, n'étant pas qualifié, cherchait, en bonne foi, des amis pour lui donner un coup de main, rapporte Reuters auquel le Pape François a accordé une interview publiée le 12/07/2022. «Mais parfois les amis n'étaient pas la bienheureuse Imelda et donc ce qui est arrivé est arrivé» (Imelda, une jeune fille du XIV e siècle qui est un exemple de pureté). Dans les scandales, comme celui lié à l’achat d’un immeuble à Londres, auquel le journaliste faisait référence, la faute était, a précisé le Pape, "l'irresponsabilité de la structure, à ce moment-là, qui a attribué la responsabilité à une bonne personne qui était là parce qu'elle avait la place qu'elle avait. Et celle-ci ne connaissait pas les choses financières et a dû demander de l'aide à l'extérieur sans contrôles suffisants de l'intérieur. L'administration manquait de maturité». » D’après l’article de l’Osservatore Romano relayant cet entretien, le Pape a conclu en rappelant que «l'idée du Secrétariat pour l'économie est venue du cardinal Pell. C’est lui qui a été le génie ».
Dans 5 ans, le dispositif donnera lieu à un "retour d’expérience". Un "Retex" attendu.
Michèle Royer
chargée de mission E&I
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Éthique et Investissement a récemment organisé son premier colloque de l'année 2022.
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ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
LUNDI 16 MAI 2022
DE 15h à 17H
L'association Éthique et Investissement tiendra son assemblée générale annuelle relative à l'année 2021 le lundi 16 mai à L'enclos Rey.
Au programme :
I- Présentation du rapport moral
II- Présentation du rapport financier 2021 et du budget
III- Présentation des résolution soumises au vote
L’Assemblée générale est un temps important dans la vie de l’association, alliant rétrospective de l’année écoulée et présentation des actions stratégiques à venir. Votre mobilisation est essentielle ! Nous espérons vous retrouver nombreux à cette réunion adhérent ou non!
Nous vous rappelons que seuls les adhérents à jour de leur cotisation au 31 décembre 2021 pourrons voter sur les résolutions présentées.
Entre 17h et 18h, une pause rafraîchissante sera offerte aux participants présents sur place.
Cette assemblée générale sera suivie d'un colloque « La croissance en question ». Pour plus d'information, cliquez ici
Épargne : Comment investir pour le bien commun ?
Le grand public veut investir son épargne de manière éthique aujourd’hui. Mais comment investir pour le bien commun ? Fonds d’investissement ou projets concrets, de belles opportunités existent. État des lieux.
Investir de manière éthique, une responsabilité morale
Premier constat, investir dans la finance « éthique » est aujourd’hui rémunérateur, financièrement mais aussi humainement. Ainsi, au premier trimestre 2020, en pleine crise sanitaire mondiale, alors que le CAC 40 subis- sait une baisse de 17,5 %, les fonds Investissement socialement responsable (ISR) se sont montrés plus résistants, en n’enregistrant que 6,5% de perte. Du côté des épargnants, les professionnels de la finance éthique interrogés pour cette enquête constatent une véritable prise de conscience du grand public et une explosion des demandes pour investir de façon éthique dans des projets pérennes et porteurs de sens. Reste à savoir comment investir pour le bien commun, en conformité avec la Doctrine sociale de l’Église. Pour cela, de plus en plus d’acteurs du monde de la finance éthique, d’inspiration ou ouvertement catholiques, proposent des conseils, des produits financiers ou des projets concrets pour guider ceux qui veulent investir leur épargne pour le bien de toute la société. En effet, ce n’est pas simple de s’y retrouver.
Le terme de « finance éthique » est aujourd’hui très usité et de nombreux placements s’en recommandent souvent avec des terminologies différentes. Par exemple, on parle plus récemment de finance à impact, sorte de « fourre- tout » très généraliste, qui propose d’investir dans une cause qui offre un rendement...
Découvrez l'article dans son intégralité en cliquant ici
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Éthique et Investissement a récemment organisé sa dernière soirée débat afin de clôturer l'année 2021.
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COMMUNIQUÉ DE PRESSE
"Éthique et Investissement interpelle le groupe GLENCORE sur ses activités relatives au charbon et sur les impacts de ses sites sur les populations locales notamment sur une mine à ciel ouvert en Colombie. Sa position de leader dans la filière charbon implique de sa part un comportement social exemplaire."
Éthique et Investissement a organisé un colloque sur le thème:
Doctrine Sociale de l'Eglise comme stratégie d'investissement
Lundi 10 mai de 15h30 à 18h
Pour revoir cette conférence cliquez ici
Nous partons du constat qu'il existe un certain nombre de fonds labellisés "chrétiens" ou "conforme à la Doctrine Social de l'Eglise" mais qu'ils recouvrent des réalités très différentes.
Ce colloque avait pour objectif:
Cliquez ici pour plus d'information sur le contenu du colloque et ses intervenants.
Recherche de bénévole(s)
L'association Ethique et Investissement est à la recherche de bénévoles pour l'aider dans la réalisation de ses missions quotidiennes.
Deux postes sont à pourvoir. Nous recherchons des personnes motivées qui occuperont les missions suivantes :
- Responsable administratif (H/F) : cliquez ici pour en savoir plus
- Chargé de communication (H/F) : cliquez ici pour en savoir plus
Pour toutes informations complémentaires, n'hésitez pas à contacter laure.peronnin@ethinvest.asso.fr
Nous espérons que vous rejoindrez notre association!
Toute l'équipe d'Ethique et Investissement
Vendredi 25 Octobre s'est déroulé le premier atelier éthique du thème des "cas de conscience". Nous voulions ainsi aborder des cas concrets qui nous mettent devant l’impératif de faire des choix. Et il n’est pas certain que nous puissions toujours honorer tous nos critères éthiques dans l’environnement financier complexe que nous connaissons.
Cette première rencontre nous a permis d'aller plus loin sur la question des énergies fossiles. Ci joint vous en trouverez un compte rendu.
La prochaine rencontre se déroulera le vendredi 14 février de 10h à 12h. Nous vous communiquerons ultérieurement le cas de conscience que nous traiterons ainsi que le lieu de la rencontre.
pour plus d'information:
Geoffroy de Vienne - geoffroy.devienne@sfr.fr
Christiane Vanvincq - christiane.vanvincq@xavieres.org
Comme tout les parlement nationaux des pays de l'Union Européenne, le parlement français est appeler à ratifier le CETA, l'accord commercial UE/Canada, mis en place à titre "provisoire" en septembre 2017.
Avec d'autres, Ethique et Investissement demande aux parlementaires français de ne pas ratifier le CETA en vue de réouvrir des négociations surtout sur les questions sociales, environnementales et d'arbitrage des différents.
"L’examen du CETA représente bien plus qu’une simple ratification. Il est en effet le premier, mais aussi le dernier accord de commerce de nouvelle génération, sur lequel vous aurez à vous prononcer dans la mesure où l’UE organise désormais ces traités de façon à pouvoir adopter leur volet commercial uniquement à l’échelon européen. Si vous le ratifiez en l’état, la France se privera d'un puissant levier pour obtenir une réforme de la politique commerciale européenne. Elle pourrait ainsi rester isolée comme au moment de la relance de négociations avec les États-Unis.
Enfin, le CETA sert de modèle pour tous les accords qui suivent (Vietnam, Mercosur, Mexique, Nouvelle Zélande, Australie, etc.)."
Le 3 octobre dernier, 40 nouvelles institutions catholiques ont annoncé le retrait de leurs investissements dans les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) venant ainsi rejoindre le mouvement mondial qui avait commencé en octobre 2015. Il est certain que l’exploitation des énergies fossiles, responsable d’environ 70% des émissions de gaz à effet de serre, à l’origine du réchauffement climatique, doit être drastiquement restreinte et remplacée par des énergies renouvelables et une transformation générale de notre modèle de société.
La position à adopter quant au financement des entreprises productrices d’énergies fossiles est pour autant loin d’être simple.
N’y a-t-il pas une contradiction à sortir, par conviction, ses actifs du secteur des énergies fossiles tout en continuant inévitablement d’en être un utilisateur régulier. Personne aujourd’hui ne peut vivre dans notre modèle de société sans consommer directement ou indirectement des matières fossiles.
Par ailleurs, le désinvestissement n’exerce pas une véritable pression économique sur les entreprises du secteur parce que les montants désinvestis à ce jour ne représenteraient que 2% de la capitalisation du secteur qui n’aura pas de mal à trouver d’autres financeurs. Afin de donner au désinvestissement une portée économique, il faudrait que les fonds désinvestis soient réinvestis dans les énergies renouvelables ce qui semble n’être le cas qu’à hauteur de 30%. Pour aller jusqu’au bout du raisonnement, il faudrait cesser d’investir dans l’ensemble des entreprises utilisatrices d’énergie ou de produits fossiles (productions de dérivés du pétrole).
Le choix du désinvestissement est donc avant tout un acte politique militant destiné à lancer un signal aux entreprises, aux institutions financières ainsi qu’aux gouvernements et à l’opinion publique. Et cela est utile.
Mais il y a aussi de bonnes raisons de rester investi dans le secteur des énergies fossiles pour en accompagner la nécessaire mutation, comme E&I a choisi de le faire pour le fonds NS50.
En effet, être actionnaire c’est avoir un droit de vote et d’interpellation aux AG. Cela a du sens de se regrouper entre actionnaires responsables pour dialoguer et peser sur la conduite d’une véritable transition énergétique qui ne consiste pas seulement à céder ses activités polluantes à d’autres. Rester actionnaire, c’est également éviter que d’autres actionnaires, peu concernés par les enjeux écologiques et sociétaux du secteur, ne rachètent les actions cédées avec un objectif de rentabilité à court terme.
La position adoptée par E&I est complémentaire de celle adoptée par les institutions qui ont choisi de désinvestir car il faut sans doute aborder la transition énergétique par plusieurs angles à la fois.
Agathe DAVID, chargée de mission
agathe.david@ethinvest.asso.fr
L’étape des états généraux de l’alimentation qui s’est tenue durant la semaine du 10 octobre fait particulièrement écho aux conclusions que nous avions tirées de notre colloque du 14 avril 2016 sur l’éthique de l’investissement dans l’agro-industrie.
En effet, nous avions souligné chez les industriels de l’alimentation l’émergence positive, mais encore insuffisante, d’initiatives ponctuelles en vue d’une production plus responsable sur le plan environnemental et sur le plan social (limitation des produits chimiques, relation économiquement équilibrée avec des producteurs de qualité). Nous avions observé que l’extension de ce mouvement reposait aussi sur l’implication des pouvoirs publics et l’adhésion active des consommateurs qu’il faut informer et éduquer à l’idée d’accepter un prix parfois plus cher pour une consommation plus responsable répondant cumulativement aux intérêts propres de chaque partie prenante (revenus suffisant pour les producteurs, alimentation plus saine pour les consommateurs).
Dans le principe, on ne peut donc que se réjouir de ces états généraux dont l’objectif est de remédier durablement à la baisse des revenus des professions agricoles par une répartition plus équitable de la valeur entre les différents acteurs de la chaine (producteurs, transformateurs, intermédiaires divers, distributeurs) tout en favorisant une production alimentaire plus durable, plus saine et financièrement accessible à tous.
Les mesures techniques (reconstruction des prix à partir des coûts de production, contractualisation pluriannuelle, relèvement du seuil de vente à perte…) issues de ces états généraux et dont la mise en place par les pouvoirs publics est souhaitée pour 2018, devraient renforcer les initiatives volontaires existant déjà.
Voilà qui inspire toutefois deux réflexions :
-Comment cela va-t-il s’articuler avec la mise en œuvre (à titre provisoire !) du CETA qui va exactement dans le sens inverse ? (cf. ComEcoFi n°7 sept 2017)
-Le comportement du consommateur est déterminant dans le succès des mesures envisagées car ce dernier situé en fin de chaine, échappe à toute réglementation et s’est habitué aux prix « discount » des grandes surfaces.
Certes motivé par la perspective d’une alimentation de meilleure qualité, il est freiné, d’une part, par sa méfiance sur la fiabilité des produits au vu des récents scandales alimentaires et, d’autre part, par son pouvoir d’achat mis à mal par l’inévitable augmentation de prix « justifiée » par des modes de production plus responsables.
Cela ravive incidemment le débat sur les excessives disparités de salaires dans cette filière, que nous examinerons lors de notre colloque d’avril 2018. Cela pose aussi la question des accompagnements fiscaux qui pourrait prendre, par exemple, la forme d’un taux de TVA plus bas sur les produits alimentaires responsables.
Parallèlement, comme nous l’avions mentionné dans notre colloque du 14 avril 2016, il faut faire adhérer le consommateur aux impacts sociaux et environnementaux de sa consommation. Des organismes préconisent l’adoption d’un label RSE propre à l’agriculture qui serait à la fois environnemental et social.
Agathe DAVID, chargée de mission
agathe.david@ethinvest.asso.fr
La mobilisation anti-CETA en France s’est intensifiée depuis que le Conseil Constitutionnel a rejeté, fin juillet, avec une motivation évasive le recours en incompatibilité de ce traité avec la Constitution française.
On le rappelle, le CETA (Comprehensive Economic Trade Agreement) est un accord de libre-échange conclu entre l’Union Européenne (UE) et le Canada et validé le 15 février dernier par le Parlement européen. Il est prévu qu’il fasse l’objet d’une application provisoire à partir du 21 septembre 2017, avant même sa ratification par chacun des parlements nationaux des 28 états membres de l’UE, ce qui prendra plusieurs années.
Ce traité, destiné à faire progresser de 25 % le commerce de biens et services entre l’UE et le Canada, est contesté par une bonne partie de la classe politique française et des ONG car il va bien plus loin que les traités de libre-échange traditionnels qui consistent simplement à réduire les barrières tarifaires. En effet, c’est un accord visant à libérer non seulement les échanges commerciaux mais aussi les investissements.
Le CETA se révèle favorable aux intérêts des multinationales et peu contraignant sur le plan social et environnemental. En outre, il comporte une clause arbitrale qui prévoit que les entreprises et investisseurs canadiens pourront attaquer en dommages-intérêts les États européens devant un tribunal arbitral si des décisions étatiques sont incompatibles avec les dispositions du traité et leur portent préjudice. Concrètement, les états de l’UE pourraient ainsi être dissuadés d’adopter de nouvelles réglementations nationales de protection de l’environnement et de la santé des citoyens, par crainte des poursuites et sanctions que prévoit le CETA. Au-delà des enjeux environnementaux et sociaux, se pose la question de la remise en cause de la souveraineté démocratique des états européens.
Une commission d’experts français, chargée, à la demande d’Emmanuel Macron, d’évaluer le rapport bénéfices/impacts négatifs du CETA, a rendu son rapport les 12 septembre dernier. Il en ressort que la mise en œuvre du CETA entrainerait une augmentation des gaz à effet de serre et remet en cause la capacité des états européen à adopter de nouvelles mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique et contre l’utilisation de produits chimiques nuisibles à la santé des consommateurs.
La FNH (Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme), l’Institut Veblen et l’ONG Foodwatch ont vigoureusement rappelé le Président Macron à sa promesse de campagne de demander la renégociation du traité si les conclusions de cette commission se révélaient négatives. Ils exhortent le chef de l’état à s’opposer à l’entrée en vigueur du CETA et à en réclamer la renégociation.
Cependant le 21 septembre dernier, le gouvernement ne s’est pas formellement opposé à l’entrée en vigueur du traité, à titre provisoire, ce qui engage la France dans un engrenage désormais plus compliqué à renverser.
Reste encore l’espoir que le Parlement français ne ratifie pas le traité. Mais nul ne sait quelles en seraient les conséquences concrètes au niveau européen : abandon multilatéral du traité, maintien de l’application à titre provisoire, application dans les seuls états européens l’ayant ratifié ?
Cela pose la question de l’avenir de la politique commerciale européenne et de son articulation avec la lutte contre le réchauffement climatique, dont la France se veut le leader mondial.
Agathe DAVID, chargée de mission
agathe.david@ethinvest.asso.fr
réponse apportée dans le CR de l'AG du 3 mai 2017