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Investir dans l’armement revient-il à financer la guerre ou la paix ?
 

Ce titre est une interpellation des investisseurs, centrée sur leur part de responsabilité dans la portée des activités des industries d’armement.

Pour alimenter nos réflexions sur les armes létales, dont le financement serait en crise nous avons voulu interpeller aussi l’Industrie elle même, l’Armée et les politiques qui ont aussi leur part de responsabilité, avec chacun leurs propres contraintes à gérer. Un maître-mot pour guide : comprendre les différents points de vue constitutifs de la problématique.

 

L’exclusion -ou non- du secteur de l’armement de nos portefeuilles est l’un des sujets graves du moment

 

D’une part le contexte normatif prônant la « durablité » invite à l’exclusion (taxonomie discutée au sein de l'UE, écolabel européen....); d’autre part, la guerre qui fait rage sur le continent européen exacerbe, au contraire, le souhait d’avoir une Défense capable d’assurer la sécurité nationale.

Rien d’étonnant donc à ce que la question tance investisseurs et épargnants consciencieux : Investir dans l’armement revient-il à financer la guerre ou la paix?*

 

ill Par Colin Behrens de PIXABAY weapon-g3fc1533bd_1920

 

 D’où le choix de ce thème pour notre colloque du 16 novembre dernier. Les intervenants et les questions de la salle ont permis d’affiner la perception de ce secteur sujet à caution, la qualité de son fonctionnement eu égard aux valeurs qui nous animent, et finalement de cerner un peu mieux son rôle et la place particulière qu’il occupe dans l’organisation de la société et des missions de l’Etat. A la tribune, quatre intervenants représentatifs ont apporté des éclairages complémentaires :

 

 


1 – Un ingénieur de l’industrie de l’armement


Pierre-André Moreau, reconnu comme le « père » d’une arme que l’on (re-)découvre aujourd’hui, car elle sert à la Défense de l’Ukraine dans la guerre qui l’oppose à la Russie, nous a fait entrevoir quelles difficultés soulèvent le financement d’une arme innovante - le canon Caesar- en l’occurrence. Ces difficultés ne datent pas d'aujourd'hui ! A l’époque de GIAT industrie (Nexter aujourd’hui) où ce Général de la DGA fut « détaché » dans les années marquées par la chute du Mur de Berlin, financer une telle invention (pour des tirs d'artillerie plus ciblés, plus "furtifs", potentiellement moins meurtriers) relevait déjà de la gageure : contre l’avis des Etats Majors, le ministre de la Défense d’alors décida d'autorité d’« amorcer la pompe » ; ensuite, les commandes de pays tiers, parmi lesquels l'Arabie Saoudite, ont permis de continuer à faire tourner quelques chaînes de production à Bourges, berceau de canon Caesar.

 

En matière d’arme, fruit de techniques duales, de plus en plus -c’est-à-dire composée d’éléments utiles aux plans à la fois civil et militaire-, chères et longues à produire, les débouchés à l’export sont clés. La France est à l’heure actuelle encore l’un des trois plus grands exportateurs d’armes au monde.

 

2- Un représentant du dialogue industriel-investisseurs, à l’ère de l’ISR


Pour un industriel, même si son métier est de fabriquer/vendre des armes, il y a de nombreuses façons de l’exercer de façon responsable, tant au niveau des caractéristiques des armes à fabriquer qu’il lui revient en dernier ressort de définir, qu’à l’aune des demandes des clients qu’il peut accompagner (ou pas : cf les armes prohibées par les traités internationaux, telles les mines anti-personnelles notamment, ou susceptibles d’entacher sa réputation, comme on le voit avec les « robots tueurs ») ; et aussi, dans sa façon de les fabriquer et de les vendre, par son attitude et par ses choix, l’industriel exerce sa responsabilité sociale et environnementale (RSE). Ces choix ont un impact sur les conséquences humaines des conflits présents ou futurs.


Sur la RSE mise en place -notamment contre le risque de corruption- et à propos du risque d’exclusion sectorielle a priori -problématique pour une entreprise cotée-, Bertrand Delcaire, directeur des relations avec les investisseurs chez Thalès, a témoigné des actions de conformité à l’actif de son groupe. De la salle virtuelle, une question est venue pointer le caractère arbitraire des prohibitifs « 5% du CA tiré des armes » : dans l'analyse extra-financière, ce ratio, sans fondement scientifique connu, lorsqu'il est atteint fait basculer l’entreprise dans la catégorie des entreprises frappée d’anathème (notamment, dans certaines pays de l’UE ayant adopté un cahier des charges pour leur écolabel drastique envers ces activités). Un critère suffisant ?

 

3 – A l’interface des besoins des Etats-Majors et des fabricants d’armes, un ancien conseiller du Ministre de la Défense, ingénieur, militaire (DGA)


Les militaires ont pour fonction de défendre la Nation. Ils sont soumis au contrôle des politiques mais ils ont aussi des choix à faire, des choix stratégiques et tactiques, conditionnés d’abord par la perception de la menace et ensuite par les modalités de réponse à ces menaces, notamment par l’acquisition d’armements.

Les choix formulés dans leur dialogue avec l’industrie de l’armement sur les caractéristiques des armes lors des appels d'offre auront un impact sur les conséquences humaines des conflits présents ou futurs.


Jacques Bongrand, qui fut notamment, en charge des programmes et budgets à la DGA où il a fait l’essentiel de sa carrière, a partagé son retour d’expérience au carrefour des besoins des Etats Majors et des appels d’offres destinés aux industriels. De l'intérieur, il a éclairé comment les politiques et leur bras armé que sont les gouvernements, non pas dans leur rôle de prévention/gestion des conflits mais dans leur rôle de régulateur des industries d’armement, tant au plan national qu’au plan international ont également une responsabilité dans la question de la portée des activités des industries d’armement.

 

Auteur d’un recueil de réflexions collectives sur les Aspects éthiques et sociaux des nouvelles techniques de défense en 2015,  il a en outre campé les grandes évolutions et les défis éthiques qui caractérisent ces dernières années.

 

 

4 – A la jonction des analystes extra-financiers et des gérants de fonds ESG


L’industrie de l’armement est financée par des fonds publiques sous le contrôle des politiques et des fonds privés sous le contrôle des investisseurs. Les choix des investisseurs lorsqu’ils décident de s’intéresser à ce secteur sont conditionnés par la qualité des analyses extra financières qui leur serviront de guide. Les choix faits par les analystes extra financiers, tant dans les méthodes d’analyses que dans la communication de leurs résultats, ont ainsi une influence sur les décisions de l’investisseur.

 

Directeur associé du cabinet Sustainalytics qui évalue les entreprises à l’aune de leur RSE, aux avant-postes des évolutions règlementaires et sociétales qui impactent l’ISR, Axel Pierron a dressé un panorama du secteur et de la situation concernant l’anathème auquel il est notoirement exposé. A noter : l’exclusion a priori, massive, de certains secteurs par les investisseurs qui se réclament de l’ISR n’est pas sans lien avec leur performance boursière. Il se trouve que les valeurs de l’armement n’étaient pas particulièrement séduisantes, avant que n’éclate la guerre entre l’Ukraine et la Russie ; depuis, les cours de société comme Thalès ou Dassault se sont envolés. Une raison suffisante pour désinvestir/investir ?

 

 

Dans cette chaîne de responsabilité, il y a le particulier qui peut agir en tant qu’investisseur sur l’industriel (investir, désinvestir, engagement/plaidoyer, .... ) et en tant que citoyen sur le politique avec son bulletin de vote. Les quatre interventions ont suscité des échanges nourris avec les participants présents dans la salle des Nymphéas du Forum 104 à Paris, et ceux de la salle virtuelle. Sans épuiser le débat, naturellement !

 

 

 

Michèle Royer

chargée de mission E&I

*NB: pour accéder à des ressources documentaires complètes, cliquer sur les mots soulignés :

 

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